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Jimmy P. (psychothérapie d’un indien des plaines) - Arnaud Desplechin

dimanche 8 septembre 2013, par Kevo42

Il est des films au nom mystérieux. Hier encore, sortait Alabama Monroe, dont le titre ne se comprenait qu’après l’avoir vu en entier. Mais dans le cas de Jimmy P. (psychothérapie d’un indien des plaines), le titre dit exactement ce qu’on va voir : la psychothérapie d’un indien des plaines qui s’appelle Jimmy Picard

Bon, d’accord, mais est-ce intéressant ? C’est ce qu’on va voir après un petit intermède.

De l’intérêt de faire venir Benicio del Toro à l’UGC les halles

J’ai vu le film en avant-première à l’UGC les Halles de Paris, il y a quelques semaines, en me disant : un, c’est le nouveau film de Desplechin, et deux, l’équipe sera présente. Mais comme d’habitude, Desplechin, Del Toro et Amalric ne sont restés là que le temps de dire qu’ils ne voulaient pas parler du film, car le film était déjà tout entier constitué de discussions, et qu’ils ne voulaient pas épuiser le public avant même qu’il ne commence.

D’accord, je respecte. Mais tout de même, j’aimerais comprendre : est-ce la fatigue d’une journée presse marathon qui les empêche de discuter avec le public après la séance ? Est-ce une contrainte horaire et sécurité du point de vue du cinéma qui les accueille ? Est-ce que de toute façon le public ne s’intéresse qu’à être pris en photo avec Benicio et n’est pas naturellement attiré par les films de psychanalyse ?

Certainement, un peu de tout cela. Mais tout de même : avoir Arnaud Desplechin en face, et celui-ci ne dit rien des raisons qui l’ont poussé à faire son film, alors que toute son œuvre est basée sur des personnages qui réfléchissent à pourquoi ils font ce qu’ils font, ce n’est pas cohérent, et surtout, ça ressemble à une sorte de cockblock cinéphilique. Au moins, lors de sa venue pour Albert Nobbs, Glenn Close avait récité le dossier de presse, Alexandre Aja avait parlé de sa joie de tourner avec des pornstars avant piranha 3D, et Mark Wahlberg avait un beau costume avant Ted.

La plus-value que je peux vous apporter d’avoir vu le film en avant-première est donc celle-ci : Benicio del Toro est grand et large, bien plus qu’Arnaud Desplechin et Mathieu Amalric, et j’ai eu peur durant toute la présentation qu’il n’ait faim et ne les mange.

Heureusement, tout s’est bien fini.

Passons maintenant au film.

A straight story

Le titre du film de David Lynch : une histoire vraie, convient parfaitement, en anglais comme en français, à Jimmy P.. Adapté du livre de Georges Devereux, ethnopsychanalyste, Jimmy P est l’histoire d’un indien d’Amérique, vétéran de la seconde guerre mondiale, qui a mal. Il a des vertiges, des douleurs à la tête, des hallucinations, qui l’empêchent de travailler au ranch. Problème : les examens médicaux ne révèlent rien. Jimmy Picard n’est pas faux, mais sa souffrance semble d’origine psychosomatique. Arrive Georges Devereux, roumain naturalisé français, qui connaît bien les indiens d’Amérique, bien mieux que les médecins militaires.

Et donc, il va falloir travailler et comprendre ce qui se passe dans la tête de Jimmy P.. Contrairement à Rois et reines, ou Un conte de Noël, Jimmy P. ne multiplie ni les intrigues ni les personnages. Il y a d’un côté les discussions de Jimmy et Georges, pour comprendre l’histoire du malade, remettre de l’ordre dans ses idées, et le remettre d’aplomb, et d’un autre, l’histoire entre Georges et sa compagne, qui est marié à un autre homme, et n’est donc que de passage, qui l’aime, mais sa situation est précaire, et il faut bien avouer qu’à part parler avec un indien, il n’y a rien à faire dans cette petite ville au milieu du désert.

Et c’est tout.

A partir de là, il y a deux façons de voir le film. Soit vous vous intéressez à la psychanalyse, et vous serez intéressés de voir un film qui montre le processus de manière honnête, dans ses tâtonnements et fausses pistes, jusqu’à reconstruire une histoire personnelle, qui permette de vivre, et de faire la paix avec ses erreurs (il y a en effet un gros malentendu qui a brisé la vie de Jimmy).

Soit vous avez lu l’introduction à la psychanalyse de Freud, cela ne vous a pas plus passionné que cela, vous n’avez pas tellement envie d’en savoir plus, alors ce film n’a rien à vous apporter.

On pourrait gloser, parler de film de la sérénité pour Desplechin, car Amalric ne hurle pas, ne se met personne à dos, il n’y a pas de jump cut, il y a même des scènes de rêve un peu pas mal mais pas excitantes non plus, et le tout avance à son rythme pépère jusqu’à une fin apaisée.

Le problème est que la force de Desplechin, il me semble, est justement la densité des intrigues, la force des conflits, la réalisation qui part en cacahuète, les citations de douze milles philosophes et mathématiciens, et Jeanne Balibar nue. Privé de tout cela, on a juste deux hommes assis sur des chaises qui se racontent des souvenirs.

Et alors c’est bien ?

Et bien bof. Jimmy P. (psychothérapie d’un indien des plaines) est un film qui ne fait pas le malin, et d’une certaine manière c’est bien. Le film est sobre, efficace, les acteurs bons. Par rapport à Grand Central, le film a le mérite de raconter son histoire sans digression, et de manière claire. En même temps, ce qu’il raconte n’est pas particulièrement cinématographique, ni particulièrement passionnant, de sorte qu’on finit par regarder cela avec un ennui poli, en se disant qu’au final, le héros aurait pu être français, australien ou allemand, cela n’aurait pas fait une grosse différence.

Si comme moi avant de voir le film vous vous dîtes : Desplechin + Del Toro + Amalric = boum, et bien non. Rien de honteux, mais rien d’incroyable non plus.

Un film un peu pour rien.

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