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Lectures du premier au trente septembre 2016 : Ulysse Wincoop, la Famille fantastique, Shangri-la

mardi 13 septembre 2016, par Kevo42

On retourne à de la bande dessinée cette semaine, avec trois œuvres françaises assez différentes. Deux bandes dessinées "jeunesse" aux antipodes, entre le très coloré Famille fantastique et le désespéré Ulysse Wincoop, et une bande dessinée "adulte" avec Shangri-La, le nouveau tour de force graphique de Mathieu Bablet. La prochaine fois, on parlera de shonen manga, parce que la bagarre, c’est la vie.

Ulysse Wincoop / Marion Festraëts, Benjamin Bachelier

Alors que la tribu de Big Foot est en train d’être massacrée, une tunique bleu prend un enfant sioux et le confie à sa soeur. Arrivé à l’adolescence, Ulysse Wincoop ne sait rien de ses origines. Le retour de son oncle va précipiter son destin.

Ulysse Wincoop est une bande dessinée présente dans à peu près tous les tops bd jeunesse de 2015, à raison. C’est vraiment très bien, y compris pour les adultes. Marion Festraëts, qui est par ailleurs la showrunneuse de Chefs, aborde l’histoire sous un angle intéressant : celui d’un garçon qui n’est ni américain blanc, ni amérindien, et qui peut prétendre appartenir aux deux cultures tout comme être rejeté des deux. Si la bande dessinée est censée s’adresser aux jeunes, elle ne prend pas de gants pour autant. Le destin des indiens d’Amérique est horrible, il est impossible de le peindre en fluo. Massacres, traumatismes de combattant, racisme, non respect des traités sont des sujets abordés du point de vue d’un enfant qui pense grandir dans le camp des vainqueurs pour être rejeté dans celui des perdants. Le dessin de Benjamin Bachelier, dans un style qui rappelle les couvertures de Jean-Claude Götting (Harry Potter) est plus orienté sur la couleur que sur le trait, un peu comme du Nadja mais en moins abstrait. La forme va parfaitement avec le fonds, faisant naître la mélancolie de ses traits impressionnistes.

Une bande dessinée très émouvante et un vrai coup de cœur.

Feuilleter les premières pages en ligne : http://www.gallimard-bd.fr/feuilletage-A65568-ulysse_wincoop-5.html

La famille fantastique / Lylian et Paul Drouin

Sarah est une lycéenne qui s’apprête à partir en vacances avec son père, qu’elle n’a pas vu depuis 3 ans. Malheureusement celui-ci a un empêchement et la voila en voiture avec l’autre partie de sa famille composée de sa mère, son nouveau mari, et son demi-frère. Malheureusement encore, notre groupe va croiser un prince en fuite, poursuivi par un minotaure et une magicienne, qui vont changer leur route habituelle en un passage vers un autre monde, celui de Fantastica. Malheureusement enfin, ils vont se retrouver au coeur d’un conflit qui les dépasse complètement. Au moins, ces vacances ne seront pas banales.

La famille fantastique est une série qui, malgré une ou deux pointes de violence s’adresse à un public jeune. Lylian est le scénariste de l’adaptation d’Ewilan et est donc un habitué de ce type d’histoire. Paul Drouin au dessin utilise un style assez typique de la collection Tchô l’aventure : les personnages ont des têtes assez grosses et des vêtements pas trop détaillés. Pour autant, on ne peut pas dire que le dessin soit sobre : non seulement la mise en page est saturée de traits de mouvements et de grosses onomatopées, mais le dessinateur refuse bien souvent le fond blanc neutre de la page pour lui préférer une illustration de fond qui déborde de la case pour servir de cadre à l’action. Visuellement, la famille fantastique n’est pas désagréable mais bien chargé quand même, et dans la même collection, je lui préfère les chevaliers de la chouette de Ben Fiquet, sans même parler du Jade d’Ulysse Malassagne, dont le dynamisme passe plus par la décomposition des mouvements comme dans un dessin animé.

Sur le fond, l’histoire avance d’une manière assez bizarre, nos héros jugeant assez rapidement les personnages qu’ils rencontrent, dans une situation géopolitique qui leur est pourtant inconnue. Untel est un tyran, les autres un peuple opprimé sans défense. Ce n’est pas tant qu’ils aient tort que l’évidence avec laquelle les choses sont affirmées qui est étrange. Par exemple, le père comprend immédiatement que le conseiller est un fourbe qui manipule le prince, alors même qu’on ne l’a à ce moment que très peu entendu.

Ceci étant dit, on ne lit pas la famille fantastique comme on lirait Game of thrones, pour des zones morales grises et des complots. Si l’on est sensible au style de dessin, il y a là une lecture d’aventure pas bouleversante mais bien agréable.

Lire les premières pages en ligne : http://www.glenatbd.com/bd/livre/la-famille-fantastique-tome-1-9782344009611.htm#page/1/mode/2up

Shangri-La - Mathieu Bablet

Dans le futur lointain, Scott est physicien. Employé de Tianzhu entreprises, société qui contrôle tout sur la grande station spatiale où vit l’intégralité de l’humanité, il va d’une petite station vide à l’autre, tentant de comprendre ce qui s’y est passé, et sur quelles expériences y travaillaient le personnel. Dans la station, l’humanité ne tient que grâce à deux échappatoires : la sortie de nouvelles tablettes, et le racisme envers les animoïdes.

Shangri-La est une bande dessinée qui frappe en premier par son aspect physique. Il est difficile en librairie de ne pas vouloir prendre possession de ce grand album, avec sa belle reliure en tissu et son illustration sobre et cosmique à la fois. A l’ouverture, on est frappé par la beauté des illustrations. Que ce soit l’explosion d’un soleil ou l’architecture oppressante de la station, Shangri-La tue la gueule visuellement, n’ayons pas peur des mots. Si on veut être plus précis, disons que Mathieu Bablet a repris de Tsutumo Nihei l’amour de l’architecture, créant un univers futuriste oppressant et crédible.

Il s’agit de la troisième bande dessinée de cet auteur et si ses qualités sont connues, ses défauts aussi, d’aucuns lui reprochant d’écrire des histoires assez moyennes derrière un graphisme magnifique. J’avoue ne pas trop savoir quoi penser de Shangri-La de ce point de vue. Plus on avance dans l’histoire plus on se rend compte que la science-fiction ne sert majoritairement qu’à raconter d’une manière simplifiée les problèmes de notre époque : le racisme, l’hyper-consumérisme comme moyen de contrôler les masses, la difficulté de la rébellion, l’aveuglement face aux conditions de production immondes dans lesquelles sont faites nos objets conditions. D’un côté c’est intéressant car cet aspect caricatural met forcément mal à l’aise. Comme Scott, nous réagissons mollement à des problèmes pourtant connus et essentiels, et cette vision grossie nous renvoie avec encore plus d’amertume aux conséquences morbide de notre inaction. D’un autre côté, la manière dont ces thèmes sont plaqués sur l’intrigue convainc moins. On a l’impression que le parcours du héros est le prétexte des thèmes, comme s’il s’agissait d’une très belle note de blog de 200 pages. Il y a bien une histoire, avec une lutte de pouvoirs entre la corporation, la résistance, et les scientifiques désireux de créer une nouvelle humanité, mais je ne suis pas complètement convaincu du dénouement, malgré quelques planches vraiment très fortes en émotion.

Shangri-La est un très très bel album qui raconte des choses intéressantes, mais d’une manière un peu terne et naïve. Aussi mesuré que je puisse être, je vous invite tout de même à découvrir cet album, surtout si vous n’êtes pas insensible à l’aspect moral de la science-fiction.

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