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Main dans la main - Valérie Donzelli

mardi 25 décembre 2012, par Kevo42

Soutenu par une énorme hype, la guerre est déclarée est un film qui m’avait partagé. Une partie de moi y trouvait des qualités, une autre avait envie de déchirer la pellicule en deux. Main dans la main, nouveau film de Valérie Donzelli, devrait nous en dire plus : confirmation d’un talent encore pas tout à fait mûr, ou révélation d’une supercherie digne d’un mauvais épisode de Scooby-Doo, doublée d’un énième film français au nom tiré d’une chanson ? La réponse ci-dessous

Ce qu’il faut savoir pour pouvoir en parler sans l’avoir vu.

Jérémy Elkaïm est miroitier et vit à Commercy, pays des madeleines. Il vit chez sa sœur (Valérie Donzelli), avec qui il s’entraîne pour participer à un concours de danse amateur qui doit avoir lieu à Monaco.

Alors qu’il se rend à l’opéra Garnier pour effectuer des mesures, il trouve Valérie Lemercier, professeur de danse des plus réputées, assise dans une salle rouge Lynchienne à sangloter. Il l’embrasse, et soudain c’est la malédiction. Leurs corps sont liés, de telle sorte que, en gros, l’un ne peut se déplacer sans l’autre. Ce qui n’est pas sans difficultés, ni quiproquos savoureux, comme on peut s’en douter.

The song remains the same

Nous sommes en période de fête et je sais que vous n’avez pas de temps à perdre dans des analyses superflues. Nous irons donc à l’essentiel avant de nous en écarter joyeusement.

La question est : si je n’ai pas aimé la guerre est déclaré, ai-je une chance d’aimer main dans la main ? La réponse est : c’est pas gagné.

Valérie Donzelli a un style, qu’on l’aime ou non. Les mauvaises langues diraient que ce style consiste à faire des films moisis, mais ce n’est pas aussi simple que cela.

De la guerre est déclarée, elle garde un sens certain du rythme, des goûts musicaux assez sûrs et originaux (Electricity d’OMD, Les hauts quartiers de peine de Dominique A et une très belle bande originale de Peter von Poehl), et surtout cette fantaisie qu’on aime ou qu’on déteste.

En fait, il y a deux écueils à passer :

Le premier est celui du jeu des acteurs. Vous ne trouverez pas de craquage comme celui reproché à Mario Cotillard dans the dark knight rises, où un geste déplacé brisait l’illusion de réalisme, mais une approche anti-naturelle globale symbolisée par la voix de chiotte de Jérémy Elkaïm (moins insupportable que dans la guerre est déclarée) et de l’horrible voix-off (Philippe Barassa, pour mettre un nom sur cette abomination). Soit vous vous habituez, et comme un fan de Jean-Pierre Léaud, vous vous extasierez devant cette manière physique et poétique de bouger et parler, soit vous direz : ils jouent mal, et ce sera fini.

Le deuxième est celui de la réalisation. Valérie Donzelli propose tout et n’importe quoi en une heure et demi. Serge Bozon (le réalisateur de Mods) qui danse en short avec Valérie Donzelli, des batailles de macarons entre grands bourgeois parisiens sur du Elie & Jacno, tout peut arriver, même le pire. On subit un véritable grand huit esthétique, passant du ah oui, c’est bien au ah ! je ressens les frissons de la honte.

Love is the drug

Dans la guerre est déclarée, la maladie d’un enfant avait un impact décisif sur la vie des parents : changement de lieu d’habitation et de travail, le besoin de courir pour tenir le choc. Le plus grand des malheurs n’est pas psychologique, il est présent dans chaque geste de notre quotidien.

Valérie Donzelli reprend dans main dans la main cette manière concrète de parler de problèmes abstraits. C’est l’histoire d’un coup de foudre qui tombe au mauvais moment, pas souhaité, pas reconnu, mais il est là, et on ne peut l’ignorer.

Tout le long du film Valérie Lemercier et Jérémie Elkaïm vont tester leur part de liberté. Si je cours ici, est-ce que tu me suis ? Si je bouge quand tu dors ? Si je me gratte le nez, toi aussi ?

Plus important, comment vivre avec toi si nous ne partageons rien : ni lieu, ni métier, ni amis. Car si les deux sont inséparables, il faut choisir où vivre, adapter l’emploi du temps pour que chacun puisse vivre sa vie. Surtout il faut faire des sacrifices : si deux vies ne font plus qu’une, qui va accepter de se faire remplacer / effacer par l’autre ?

Amoureux solitaires

Ce thème est rendu intéressant par les relations très particulières qu’entretiennent rôles principaux et rôles secondaires. Car main dans la main est l’histoire d’une recomposition. Il y a au départ deux couples : Jérémy Elkaïm qui vit avec sa sœur Valérie Donzelli, dans une relation fusionnelle qui n’est pas sans rappeler White fire ; Valérie Lemercier qui vit avec sa meilleure amie jouée par Béatrice de Staël. Ce sont deux couples d’amitié, ou plutôt deux couples de solitude. Les frères se sont rassemblés autour de la perte de leurs parents. Les amies se sont trouvées par la peur de se livrer aux autres.

La clé des relations humaines dans le film est donnée par la description des voisins de Valérie Lemercier : un homme vivait d’abord avec une femme, en a rencontré une autre, et a fini par les confronter, pour habiter avec les deux. Cette solution en apparence idéale ne trompe pas : chacun en fait est seul.

Ce nouveau couple né du hasard peut-il briser la malédiction et vivre un vrai amour ? Je ne vais pas vous le dire, parce que ce serait du vilain spoil pas beau.

Et alors c’est bien ?

Moi j’ai bien aimé. Le film est rempli de défauts irritants, visuellement il n’est pas somptueux, mais il y a quelque chose. De l’invention, de la fantaisie, à laquelle on peut être complètement insensible. Un peu comme un film de Jacques Demy.

Comme le disait Epicure, on ne peut savoir ce qui est bon pour nous que si on l’a soi-même essayé.

Au moins une chose est sûre, et objective et vraie : les fesses de Valérie Lemercier, si elles ne sont pas photoshoppées, sont magnifiques.

Pour en savoir plus :

Une interview de Valérie Donzelli très instructive pour Slate.

Le clip de Electricity d’Orchestral Manoeuvres in the dark

Les hauts quartiers de peine de Dominique A et Françoiz Brrrrr.

Et bien sûr, Main dans la main d’Elie et Jacno

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