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Don’t think - The Chemical Brothers et Adam Smith - 2012

lundi 2 juillet 2012, par Kevo42

Don’t think part avec un double handicap :

1 être une captation de concert

2 qui plus est une captation d’un concert de musique électronique.

Pourtant il propose une expérience psychédélique d’une qualité plutôt phénoménale. Pourquoi ? La réponse à cette question dans cet article.

Qu’on aime ou pas les Chemical Brothers, il faut admettre que le duo anglais est des plus endurants. Portés par la vague big-beat du début des années 90, ces groupes qui devaient tuer le rock’n’roll, et ont échoué à l’achever (peut-être parce que ça n’avait rien à voir), Tom Rowlands et Ed Simons n’ont jamais connu la crise. A y réfléchir ce n’est pas un mince exploit : qui écoute Fatboy Slim aujourd’hui ? Qui peut citer un morceau de always outnumbered, never outgunned de Prodigy ? Où sont passés les Propellerheads ?

Pour être honnête, le doublé Push the button / we are the night n’était pas si rassurant : il y avait bien de gros hits (Galvanize avec Q-Tip pour le premier, Do it again sur le second), mais la machine semblait un petit peu essoufflée. Et puis, les frères chimiques sont revenus au premier plan avec deux disques assez énormes : Further, leur disque le plus psychédélique depuis Surrender, avec ses morceaux de dix minutes (escape velocity) et ses montées de puissance énorme (horse power), et la bande son du film Hanna, qui montrait à quel point leur musique s’accordait parfaitement avec de l’image.

Ce qui me permet une habile transition vers le don’t think en question. Don’t think pose deux questions : comment met-on en scène un concert sans groupe, et comment filme-t-on l’explosion continue et simultatnée de 50 000 sloggis japonais ?

Pour le premier point, il y a bien sûr différentes façons de faire. Prodigy a toujours envisagé ses shows sous la forme d’un groupe de rock, et la plus grande importance prise au fur et à mesure par Keith Flint et Maxim Reality a été une tentative convaincante d’imposer une figure charismatique sur le devant de la scène, alors que, fondamentalement , la seule personne importante est Liam Howlett, le mec caché derrière un tas de machines.

A l’inverse le show de Simian Mobile Disco m’avait particulièrement frappé par son dépouillement : des racks posés en totem au centre de la scène, et les musiciens qui tournent autour, mettent des jacks dans des trous, jouent du synthé et ça fait de la musique, et les filles en mini-shorts dansent . Et puis, il y a la solution de juste poser une énorme pyramide sur la scène et d’envoyer du lourd, façon Ramsès II.

Les chemical brothers ne peuvent pas faire ça : ils n’ont pas de leader charismatique, apparaissent très peu dans leur clip, n’ont pas d’énergie rock. Et puis, juste deux gars qui dansent avec leur machine serait un peu cheap quand on a l’habitude de finir des festivals qui drainent des dizaines de milliers de personnes. La pyramide reste une solution valable, mais tout le monde ne peut pas en avoir. Et puis, surtout, définitivement, les chemical brothers ne veulent pas se mettre en avant, pas au sommet de rien du tout, veulent pas porter de cyber costumes. Juste deux anglais au visage fade, qui proposent une musique magique, qui fait bouger les pieds et rêver les têtes.

Entre en scène Adam Smith. En plus d’être un grand économiste spécialiste de la production d’épingles, il est le responsable visuel des concerts des Chemical Brothers. Car et vous l’aurez compris : quand on a de massifs écrans géants à disposition, il faut y aller à fond, et proposer une expérience la plus riche possible.

Chaque morceau est accompagné de vidéos. Ces vidéos ne sont pas narratives, pour ne pas transformer le concert en spectacle passif. Elles sont basées sur des représentations de motifs très simples, dans des couleurs très vives : des danseurs en silhouette, des formes géométriques ou des objets (des chaises, des bulles, un bâtiment en fil de fer), des aplats de couleur psychédéliques. On a vraiment l’impression d’être dans une mégadémo sur amiga, type state of the art, ou dans un vieux clip de techno type one love mais réalisé de manière magistrale. D’une certaine manière, tout cela est très cohérent avec ce que sont les chemical brothers : un groupe aussi bien ancré dans les années 70 (les vidéos psychédéliques sous LSD), les années 90, que le présent.

Surtout, profondément remarquable est le soin apporté aux transitions. Aucune vidéo qui se suit ne se ressemble, et aussi bien au niveau du son que de l’image, un soin tout particulier a été apporté aux débuts de morceau : la force des Chemical Brothers a toujours résidé dans leurs entrées de morceau, où le beat se dévoile progressivement, avant de gagner en force et de tout emporter. De ce point de vue, l’entrée de hey boy hey girl est simplement géniale : il y a three little birdies down beats qui se termine en ne gardant plus qu’une boîte à rythme, la tension monte, les brothers se regardent, appuient sur la touche hbhg, et paf, la sirène rentre dans le morceau : les gens la reconnaissent et deviennent fous. A l’écran, on voit une silhouette toiser les spectateurs, tourner en rond, comme pour dire : vous allez prendre cher. Et quand retentit le here we go, on voit tout le public qui saute comme des dingues. Et même devant l’écran, il est dur de se retenir.

Attention, ce n’est pas la captation du blu-ray, mais un truc de fan fait lors d’un autre concert, mais ça rend l’idée.

Autre exemple, au début du concert, montée en tension avec Another world qui accélère, la voix de Do It Again qui rentre, et indique aux spectateurs ce qui va suivre, paroxysme de la boîte à rythme, et relâchement de la tension avec l’arrivée des danseurs géants de Do It Again.

Le passage dont je parle se situe à 4 minute 35, et là encore c’est une vidéo d’un autre concert avec le même enchaînement.

Musicalement, le set est hyper bien construit, mélangeant toutes les époques,même si certains albums sont moins présents que d’autre (come with us représenté uniquement par star guitar). Deux passages démontent totalement la tête : l’enchaînement hey boy, hey girls / don’t think (morceau tiré de la bande-son de Black Swan), et le début du rappel avec Escape Velocity, morceau très long, très psychédélique, et qui épuise complètement le public.

Une captation de concert exemplaire

On voit donc que ce concert vaut largement le coup, mais qu’en est-il de l’objet DVD / Blu-ray ? Au niveau sonore, je ne peux pas trop juger, vu mon installation assez faible. Pour ce que je peux en dire, le mixage stéréo est très bien. Par contre, ce qui attire vraiment mon attention, est que le mixage home studio est en 7.1. Cela fait beaucoup beaucoup d’enceintes, et je me demande à quoi peut ressembler le son dans ces conditions : les chemicals viennent-ils directement jouer chez toi avec une telle puissance de feu ?

Visuellement, le spectacle est aussi total qu’intelligent. On a connu bien des concerts exceptionnels gâchés par une mise en scène ratée. Je pense par exemple au Over the years and through the woods des Queens of the Stone Age, dont la qualité sonore est aussi exceptionnelle que l’image est moche. Là, pas de souci : les couleurs sont vives, les caméras HD de la mort.

Don’t think en live, vidéo qui vient bien du film.

Surtout, le réalisateur a compris qu’un concert ne se résume pas à un groupe et à un spectacle, mais à la rencontre entre ceux-ci et le public. Non seulement la caméra se balade dans le public, mais elle n’hésite pas à garder certains spectateurs durant tout le concert, qu’on retrouve régulièrement, tel un fil rouge. Cette notion de personnage est renforcée par cette petite mignonne japonaise qu’on suit dans son périple sur les lieux du festival, cherchant à éviter le bad trip (trop de lumières, trop de clowns glauques, trop de robots qui bougent les bras), mais poursuivie par ces signes inquiétants. On la reverra plus tard, après qu’elle ait repris ses esprits, en train de s’amuser avec les autres. Mention spéciale aussi à ce japonais au visage extatique aux premières mesures de block rockin’ beats.

Comme Vincent Moon dans Burning, l’exceptionnel concert filmé de Mogwai qu’on peut trouver sur le live special moves, Adam Smith filme de très près les visages, les corps des spectateurs. Cela crée un effet d’immersion tout en offrant un document quasi - scientifique, répondant à la question : comment réagit un corps face à une déferlante de beats et d’images psychédéliques ?

Don’t Think est donc un objet des plus remarquables : combinaison d’un setlist impitoyable, d’un show terrassant, et d’un public en ébullition, le tout restitué de la meilleure des manières. Si vous n’êtes pas hostiles aux chemical brothers, il s’agit d’un achat tout simplement indispensable.

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