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Spring breakers - Harmony Korine - 2013

lundi 25 février 2013, par Kevo42

On peut voir partout dans le métro des affiches pour Spring Breakers, ce qui est très étonnant pour un film d’Harmony Korine. Pourtant, cette fois-ci, en récupérant James Franco, et surtout deux actrices sorties d’Highscool the musical, il a fait fort en matière de promotion. Mais que reste-t-il derrière la promesse d’un film sexy porté par des actrices à peine adultes ? C’est ce qu’on va voir tout de suite

Sometime the same is different,

but mostly, it’s the same

Queens of the stone age, I wanna make wit’chu

L’histoire

Il y a quatre jeunes femmes dans Spring Breakers, qui s’ennuient dans leur fac. Faith (Selena Gomez) fait partie d’un groupe de prière un peu rock’n’roll. Brit (Ashley Benson) et Candy (Vanessa Hudgens) dessinent des bites en cours, et Cotty (Rachel Korine, la femme d’Harmony) fume des bongs. Leur rêve est partir en Spring Break pour voir autre chose, et elles feront tout pour y arriver. Elles ne savent pas que le rêve peut vite se muer en cauchemar.

Connaissez-vous Harmony Korine ?

Spring Breakers est un film dont toute la promotion tient en une phrase : Selena Gomez et Vanessa Hudgens en bikini pendant 1h30. Ce qui n’est pas vraiment mensonger. Pourtant, le grand public risque d’être étonné par le film car il est avant tout à l’image de son réalisateur.

Or, si vous n’avez pas lu l’article qui lui est consacré dans le dernier numéro de Sofilms (erreur que vous devriez vite réparer), précisons les choses : Korine est un personnage un peu à part dans le septième art. Dès Kids, dont il signe le scénario, il pose ses marques : on y suit l’errance d’un groupe de jeunes obsédés par le sexe, au ralenti, et avec de la bonne musique (Folk Implosion et son thème qui m’est resté dans la tête pendant un mois après l’avoir vu au cinéma).

Passé à la réalisation, Korine se passionne pour les exclus, les freaks, qu’il met en scène dans des films « poétiques » sur la solitude, le mauvais heavy metal, et l’Amérique qui sent des pieds. Ils ne sont jamais filmés d’une manière misérabiliste : au contraire, comme dans les bêtes du Sud sauvage, il s’agit de montrer des « légendes locales », pour paraphraser l’expression utilisée dans Gummo

On peut avoir un mulet, être vieux et se frotter aux poubelles, avoir la plus sale gueule de toutes les sales gueules de Trainspotting, et être un héros.

Spring Breakers, s’inscrit dans cette thématique : les personnages sont des minables dans des lieux tristes (la fac au milieu de nulle part du début, la plage du spring break qui cache mal une joie artificielle et une criminalité bien réelle), mais les acteurs qui les jouent sont glamours en plus d’être obsédés par leur propre gloire. Le personnage de James Franco, gangsta-rapper frimeur et bouffon, en est le parfait exemple. Son auto-célébration, au cours d’une scène hilarante où il énumère toutes les choses qu’il possède fait partie de ce que le film a de meilleur.

On s’amusera par ailleurs du casting dans le contexte de l’oeuvre de Korine : dans Mister Lonely, il mettait en scène des sosies en quête d’identité personnelle.

De par leur passé d’actrices jetables Disney, Vanessa Hudgens et Selena Gomez sont elles aussi hantées par d’autres personnalités Disney ayant "réussi", au premier rang duquel Britney Spears. Il est donc ironique et presque sadique de la part de Korine de les filmer en train de chanter Baby one more time et Everytime : c’est comme si par ce film, ils les libéraient et les enfermaient dans leur passé, en un même geste.

Un hommage aux clips d’Aphex Twin

Le film est saturé de musique électronique, et même si la bande-son a été composé par Cliff Martinez et Skrillex (ce qui s’entend bien), le style visuel rappelle lui l’univers des clips d’Aphex Twin.

La première référence est évidente, c’est le clip Windowlicker.

Comme dans le clip de Chris Cunningham, on a des belles filles en maillot de bain, le soleil, et un mec horrible et séduisant à la fois qui va transformer les filles en monstre, dans une atmosphère à la fois joyeuse et ultra glauque.

Il y a un autre clip auquel je n’ai arrêté de penser pendant le film, celui de Donkey Rhubard

Dans ce clip, il ne se passe pas énormément de choses, mais le réalisateur compte sur l’impact du premier plan (les hommes en costume d’ours à la danse perverse) pour le faire revenir régulièrement. Chaque séquence est remontrée dans des ordres différents. Cette narration cyclique est sans doute due à un manque d’argent, mais elle renforce aussi le côté absurde et violent du clip, en brisant l’idée d’une quelconque évolution dans la narration.

Spring Breakers reprend exactement le même principe de narration cyclique. Chaque scène importante du film revient au moins deux ou trois fois, de manière alternée, avec la musique électronique à fond, et un montage à base de bruit de pétard (ce qui est une idée horrible). Autant dire que ce qui est une bonne idée sur un clip, est une très mauvaise idée sur un film. On a vraiment l’impression que tout le budget est passé dans le tournage de deux ou trois scènes qui ont été rentabilisées coûte que coûte. Surtout, le film n’avance pas du tout.

Un film beau mais creux

Le gros problème de Spring Breakers est qu’il ne raconte rien. La forme est superbe, grâce au travail de Benoît Debie (irréversible, Vinyan, Enter the void), mais le fond est naze. Korine essaie de donner de la profondeur à son film par des voix-off, un rythme lent, des répétitions, des décadrages qui rappellent le cinéma de Terrence Malick et visent à faire croire à un film un peu profond, mais en vain. Car tout ce que Korine a à montrer, ce sont des braqueuses avec des cagoules roses fluos.

Le film est assez bête, et les personnages pas très sympathiques. On a du mal à comprendre le dilemme entre la vie ennuyeuse de la fac et la vie dangereuse du spring break, car il existe dans la vraie vie une infinité de nuance entre ces extrêmes.

De plus, la fascination pour le monde du spring break ne prend pas du tout. On pense à la voix off hyper pompeuse du paranoid park de Gus Van Sant : « on est jamais prêt pour Paranoïd park » alors qu’à l’écran on voyait un skate park très banal.

Le film nous vend un spring break complètement déluré, mais les actrices, avant de rencontrer James Franco, ne font que rouler en scooter, glander dans la piscine, et prendre un ou deux rails de coke. Toutes choses que vous pouvez très bien faire aux Sables d’Olonne.

Au final, est-ce que c’est bien ?

Non, c’est pas terrible. On y croit fort dans les quinze premières minutes, parce que c’est très très beau, et que le sujet a un bon potentiel. Mais au final, le film n’est rien de plus que la somme des individualités qui le composent : les jeunes filles chouquettes font ce qu’elles peuvent pour briser leur image, assez courageusement d’ailleurs, mais elles n’ont pas grand chose à jouer, l’image de Debie est superbe, mais pas très différente de ce qu’il aurait fait avec Gaspard Noé, la musique est bien, mais il n’y a aucune synergie entre les morceaux de Skrillex et ceux de Cliff Martinez.

C’est un film trip greffé sur une narration très pauvre, malgré deux trois scènes très réussies, comme si au montage, Korine s’était rendu compte que l’histoire était nulle et qu’il fallait sauver les meubles.

Un film faussement provocateur, qui ravira les amateurs de cinéma différent qui n’existe que pour être différent, et qui reproduit en réalité les clichés propres à une certaine version « underground » du cinéma.

P.S. : Il se passe quand même un truc bizarre avec les nouvelles actrices de la génération Disney. Je ne comprends pas très bien pourquoi pour elles, briser leur image veut automatiquement dire se montrer salopes. On a eu le truc avec Britney, Miley Cirus, et maintenant Vanessa Hudgens (Selena Gomez dans le film a un rôle un peu plus réservé). Mais c’est pas la maturité, ça, les filles : c’est juste passer d’un cliché (la fille bien sous tous rapports) à un autre cliché (le fantasme sexuel). Il est vrai que Johnny Depp s’est réinventé en tournant chez John Waters, mais Cry Baby n’est pas vraiment un film trash. Surtout, c’est en jouant dans des films comme Edouard aux mains d’argent, Arizona Dream, ou Dead Man qu’il a fait oublier 21 jump street. Bref, tournez dans des bons films, les filles, et on oubliera vite Highscool the musical  !

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