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Portraits de femmes handicapées

vendredi 18 janvier 2013, par Kevo42

Ce texte est la transcription d’une conférence que j’ai donnée. Les extraits sont exactement ceux diffusés à cette occasion.

Bonne lecture.

Introduction

La question à laquelle va tenter de répondre notre exposé est : y-a-t-il une manière cinématographique de proposer des portraits de femmes handicapées ?

Avant de poser cette question, clarifions la question du handicap. Partons de la définition étymologique proposée par wikipedia :

« Le mot handicap vient de l’expression anglaise ’hand in cap’, ce qui signifie « la main dans le chapeau ». Dans le cadre d’un troc de biens entre deux personnes, il fallait rétablir une égalité de valeur entre ce qu’on donnait et ce qu’on recevait : ainsi celui qui recevait un objet d’une valeur supérieure devait mettre dans un chapeau une somme d’argent pour rétablir l’équité. L’expression s’est progressivement transformée en mot puis appliquée au domaine sportif (courses de chevaux notamment) au XVIIIe siècle. En hippisme, un handicap correspondait à la volonté de donner autant de chances à tous les concurrents en imposant des difficultés supplémentaire aux meilleurs. »

Cette idée d’obstacles imposés aux femmes est une constante de la pensée féministe : on attend des femmes qu’elles soient des mères ou des amantes, pas des femmes indépendantes. Même aujourd’hui le monde du travail est toujours loin de la parité homme / femme.

Si le simple fait d’être une femme pourrait être vu comme un handicap, dans ce premier sens, qu’en est-il de la femme handicapée, au sens courant du terme, c’est à dire celui d’« altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. » ?

On pourrait croire que la différence homme / femme pourrait trouver sa résolution dans le rapport au handicap : face à la difficulté, nous sommes tous égaux. L’obstacle du handicap pourrait-il être si fort qu’il nivellerait les difficultés ?

Maudy Piot, fondatrice de l’association « Femmes pour le dire, Femmes pour agir » parle du danger du double handicap dans son article intitulé «  le handicap au féminin  » (Respublica 392) (2005) :

« Alors, être femme ET handicapée, n’est-ce pas ce qu’il y a de pire ? La femme handicapée vit cette double discrimination dans tous les domaines. Toutes les statistiques montrent qu’elle arrive bien après les hommes tant dans le monde du travail que dans les responsabilités associatives, qu’en politique (même si la parité est légalement imposée). L’homme handicapé est mieux accepté, mieux intégré à la société, dans une certaine mesure bien entendu. »

S’ajoutent la question des familles mono-parentales qui concernent plus les femmes, ainsi que les difficultés quant à la tenue du foyer, qui revient encore souvent aux femmes, et qui est rendu plus compliqué par le handicap.

Surtout le handicap ne pose pas seulement des problèmes de travail, mais de vie privée : il pose le problème de la féminité. Quelle image renvoie-t-on en tant que femme handicapée ? Du point de vue de l’autre, il y a moins d’hommes prêts à s’occuper de femmes handicapées que l’inverse, et du point de vue de soi, il y a le risque du laisser-aller : pourquoi m’occuper de mon apparence si je ne me sens pas capable de séduire ?

En balayant le sujet, on voit ainsi toute la richesse de thèmes que le handicap au féminin peut proposer au cinéma :

  • Conciliation de la vie privée / vie professionnelle / vie publique en général.
  • Lutte pour réussir malgré tout
  • Lutte pour avoir une image de soi positive

En tant que mère, amante, fille ou simplement femme essayant de vivre sa vie de femme, le thème du handicap ne masque jamais le fait que les films dont on va parler sont avant tout des portraits de femmes, dans toute leur complexité.

Comment avons-nous choisis les films ? Déjà, le choix est beaucoup moins grand que pour les hommes, où celui-ci est pléthorique : citons quelques exemples :

« Né un 4 juillet, Aaltra, Nationale 7, Mar adentro, Le scaphandre et le papillon, Johnny got his gun, Gilbert Grape, Forrest gump, Breaking the waves, Daredevil, Kenny, Fucking Fernand, Incident de parcours, le huitième jour, etc. etc. »

Du côté des femmes, il y a très peu de films qu’on a écarté : "Les lumières de la ville" où Charlot aide une aveugle à retrouver la vue, "La leçon de piano" et son héroïne muette, "Coup de foudre à Notting Hill" où la meilleure amie de Hugh Grant est en fauteuil roulant, les films policiers seule dans la nuit, "Blink", ou "Copycat" ou le handicap renforce la faiblesse de l’héroïne face au tueur, "Snow cake" avec Sigourney Weaver en femme autiste, qu’on a découvert trop tard, et de manière générale on a mis de côté les films en rapport avec la folie ou la grave dépression.

On a gardé 7 films qu’on a organisé suivant 4 thèmes :

2 portraits de femmes qui « tombent » dans le handicap : le handicap vu comme déchéance

Tout d’abord "Dancer in the dark" de Lars von Trier, Puis "Elle s’appelait Sabine" de Sandrine Bonnaire

2 films pour sortir du handicap via l’apprentissage :

"Miracle en Alabama" d’Arthur Penn "Les enfants du silence" de Randa Haines

2 films où l’amour joue un rôle essentiel

"Les enfants du silence", encore une fois "Oasis" de Lee Chang-Dong.

Enfin, 2 films où des femmes handicapées font des choses que les gens non-handicapés ne savent pas faire :

"Sur mes lèvres" de Jacques Audiard "Hellboy" de Guillermo del Toro

I Tomber dans le handicap

Quelque soit la façon dont on le vit, l’accepte et tente de le surmonter, un handicap est forcément présent et influe sur le quotidien. Il devient un aspect déterminant d’une personne, parce qu’il change la manière de vivre et la manière dont les autres nous voient.

Dans les deux films dont on va parler, le handicap devient de plus en plus présent, et de plus en plus difficile à porter. C’est donc le handicap dans ce qu’il a de plus douloureux que l’on va voir.

A / Selma : Dancer in the dark (Lars Von Trier - 2000)

On commence par le plus triste !

Posons le contexte : Selma est une immigrée Tchèque qui travaille dans une usine aux Etats-Unis. Elle vit seule avec son fils et souffre d’une maladie héréditaire qui la condamne à la cécité. Pour sauver son enfant d’un destin similaire, elle va mettre de l’argent de côté pour payer l’opération qui pourrait le sauver.

On parlait de double handicap en introduction : Selma vit cette situation de plein fouet : elle élève seule son enfant, est immigrée, devient aveugle. De plus comme elle se sent condamnée, elle refuse de s’attacher aux personnes, refuse d’être aimée.

Premier extrait : après avoir travaillé de nuit en heures supplémentaires pour pouvoir mettre de l’argent de côté pour son fils, Selma refuse l’aide de ses amis et rentre seule, en s’aidant des rails pour trouver son chemin dans le noir.


Premier extrait : Selma part du travail par poulet42

Pour avoir la force de vivre, Selma peut compter sur deux choses :

  • Elle est jouée par Björk, la femme la plus dure du monde. Son énergie donne l’impression aux spectateurs que tout est possible. On sait que le tournage a été houleux entre elle et le réalisateur, car elle n’arrivait pas à accepter que son personnage supporte autant de malheur. Elle a déclaré après ne plus jamais vouloir faire de cinéma, malgré le prix d’interprétation qu’elle a reçu à Cannes pour ce rôle.
  • Quand la situation devient trop dur, même pour elle, Selma se réfugie dans un monde imaginaire, celui des comédies musicales. Par conséquent, on peut dire que le film est un mélodrame au sens propre de drame accompagné de musique, on peut même parler de mélotragédie.

Extrait : I have seen it all : Björk sait qu’elle va devenir aveugle, et ne regrette rien : elle a vu ce qu’elle avait à voir. Les chœurs sur la chanson font penser aux chœurs grecs. Cette chanson qui aurait pu être un moment romantique, s’achève sur une séparation : Selma sait qu’elle se dirige vers un chemin tragique, et ne veut pas être accompagnée pour l’arpenter.


Extrait 2 Selma chante par poulet42

Pourquoi Lars von Trier est-il aussi méchant avec la pauvre Selma ?

Il faut savoir que le film est le deuxième de la trilogie des coeurs d’or qui comprend aussi "Breaking the waves" et "Les Idiots", trois films où le handicap joue un rôle important. Le titre renvoie à un conte : « Cœur d’Or, c’est le récit d’une petite fille qui traverse une forêt. Elle y entre bien couverte avec du pain dans ses poches et rencontre en chemin divers individus dans le besoin qui abusent de sa gentillesse. Elle en sort donc complètement dépouillée, de sa nourriture comme de ses vêtements et constatant qu’elle est en vie déclare "je m’en sors bien malgré tout"  ». (source site internet EnVrak : article : Lars Von Trier : un mec sympa)

Les trois films se rassemblent autour de l’idée de chemin de croix infligée à l’héroïne : il y a toujours de nouvelles souffrances, toujours de nouvelles épreuves. On peut même parler de mystique de la souffrance (cf. les cloches à la fin de « Breaking the waves », la scène où Karen va faire « l’idiote » dans sa famille dans « Les Idiots  », les chansons de « Dancer in the dark »).

"Dancer in the dark", c’est donc le portrait d’une femme qui chute : son handicap l’empêche de vivre son rêve, de vivre avec les autres. Il est le symbole de sa vie qui lui échappe.

B/ Elle s’appelle Sabine (Sandrine Bonnaire - 2007)

L’histoire : Elle s’appelle Sabine est le seul documentaire de notre sélection. Sandrine Bonnaire filme sa soeur, atteinte d’une forme d’autisme, au jour le jour. Le film peut se lire sous deux aspects : Un destin isolé, où le handicap s’est alourdi face à un drame personnel Un film à charge contre la prise en charge des handicapés mentaux par le système hospitalier français.

Dans les deux cas, la vie de Sabine se construit sur un avant et un après.

  • Avant, il y a une jeune femme qui arrive à vivre avec sa mère, fait des voyages avec sa sœur, est souriante et presque indépendante.

Premier extrait : présentation de Sabine


Extrait 3 : présentation Sabine par poulet42
  • Après, il y a une femme mal dans sa peau, qui hurle, se fait mal, insulte les gens sans savoir pourquoi, et surtout vit constamment dans la peur d’être abandonnée.

Deuxième extrait : Sabine à la piscine.


Extrait 4 : sabine maintenant par poulet42

Comment est-on passé d’un état à l’autre ?

Parce qu’elle subit une forme d’autisme, Sabine a tendance a exprimer son mal-être par la violence sur elle et sur les autres. La mort de son frère quand elle avait 27 ans a été trop lourde à porter : son comportement s’est dégradé, faisant de Sabine un danger pour elle et sa famille. Ne pouvant plus être gardée par sa mère, elle a été confiée à un hôpital psychiatrique, où son état s’est encore dégradé, jusqu’à ne plus pouvoir aller seule aux toilettes. En montrant Sabine maintenant, en la comparant avec ce qu’elle était, Sandrine Bonnaire dénonce le traitement qu’elle a reçu, et les résultats qu’il produit. Par opposition, la structure d’accueil où elle se reconstruit, petit à petit, montre qu’il y a encore de l’espoir pour peu qu’on donne les moyens aux gens compétents de bien s’occuper des handicapés mentaux.

II : Apprendre à vivre avec le handicap

Les deux films dont on va parler maintenant, «  Miracle en Alabama », et « Les enfants du silence  », sont basés sur une même structure, mais pour des résultats différents. Dans les deux cas, on a un(e) jeune professeur qui arrive dans un lieu isolé (une grande propriété du Sud des Etats-Unis dans "Miracle en Alabama", et une île dans les enfants du silence), pour apporter la bonne parole des nouvelles techniques d’apprentissage aux enfants sourds. Ils se retrouvent confrontés à un élève particulièrement retors, qu’ils vont avant toute chose devoir convaincre de vouloir apprendre, avant de pouvoir lui enseigner quoi que ce soit.

Maintenant, rentrons dans les deux films en particulier :

A / Miracle en Alabama (Arthur Penn - 1962)

La professeure s’appelle Anne Sullivan. Elle était pratiquement aveugle dans sa jeunesse, mais a retrouvé la vue petit à petit suite à différentes interventions. L’apprentissage du langage des signes est pour elle une vocation : éviter à d’autres enfants d’avoir une enfance aussi difficile que la sienne. La petite fille dont elle va s’occuper est Hélène Keller : elle est sourde et aveugle, ce qui l’empêche d’acquérir le langage. Elle est à la fois au centre de la maison et exclue Elle ne peut donc communiquer avec le monde extérieur que par le toucher, et sa personnalité n’est pas vraiment construite. Son seul rapport aux autres est celui du caprice. Quand la professeure arrive, les parents ne savent pas comment réagir : faut-il protéger leur enfant, et privilégier le rapport affectif qu’ils entretiennent avec elles, même s’il est douloureux, ou donner les pleins pouvoirs à Anne Sullivan, alors même que son action semble inefficace et douloureuse pour la jeune fille ?

Extrait de la scène du potage


Extrait 5 : dur apprentissage par poulet42
Extrait 6 : fin de dur apprentissage par poulet42

"Miracle en Alabama" est un film sur la construction de soi dans et contre le handicap. Pour enseigner, Anne Sullivan va devoir construire un cadre dans lequel une action est possible, ce qui implique de ne plus passer aucun caprice. De sorte que l’apprentissage se fait en deux parties :

  • apprendre à obéir pour être plus autonome
  • apprendre ce qu’est un mot.

B / Les enfants du silence (Randa Haines - 1986)

La situation des enfants du silence est un peu différente. James Leeds, le héros joué par William Hurt, est engagé pour apprendre à de jeunes sourds qui parlent le langage des signes à parler avec leur voix. Pour cela, il base sa méthode sur la reconnaissance du mouvement des lèvres. Cette partie du film reste dans le même schéma du film de professeur qui choque par ses nouvelles méthodes, mais finit par gagner à la fin. Mais ce n’est pas pour cet aspect que le film est connu. Dans l’établissement, James rencontre Sarah Norman, jouée par Marlee Matlin, une ancienne élève devenue femme de ménage de l’établissement alors qu’elle en était dans sa jeunesse une des élèves les plus brillantes. Comment en est-elle arrivée-là ? Qu’est-ce qui n’a pas marché ? James va-t-il réussir à lui apprendre à parler ? Surtout, peut-il lui apprendre à s’ouvrir sur le monde ?

Ce film se situe parfaitement à mi-chemin entre le film d’apprentissage et le film romantique.

  • Première grande différence avec « Miracle en Alabama » : il y a pratiquement cent ans d’écart entre l’action des deux films : on ne peut plus traiter les élèves avec la même violence, et si James veut aider Sarah, il va d’abord devoir la convaincre d’être aidée.
  • Deuxième grande différence : Sarah Norman a déjà une personnalité formée : elle est forte, têtue.

L’aide que peut lui offrir James Leeds n’est pas celle qu’il croit. James se trompe quand il pense que le problème de Sarah est de ne pas pouvoir s’exprimer, car elle est fière, et veut pouvoir réussir sans passer par la parole. Le film a un aspect militant : l’amie de Sarah qui est avocate et réussit pleinement sa vie malgré son handicap est pour elle un exemple à suivre.

La dispute qu’on va voir va nous le montrer.


Extrait 7 : dispute par poulet42

Le problème de Sarah est le suivant : pénalisée par son handicap, sa relation avec les autres s’est construite de manière traumatisante. Elle refuse dès lors de se livrer aux autres, pour se protéger : le lien qui la reliait à la société a été coupé. Pour pouvoir reprendre ses études, et sa marche en avant, elle n’a pas besoin de théorie, mais de faire la paix avec elle-même.

La parole est l’enjeu de la relation amoureuse entre James Leeds et Sarah Norman : lui demander d’apprendre à vocaliser, c’est lui demander de renoncer à ce qui fait sa particularité, à se nier elle-même. Aimer n’est possible que si on accepte l’autre tel qu’il est : on peut l’aider, mais on ne peut pas exiger qu’il devienne entièrement autre.

C’est ce qu’on va voir avec le deuxième extrait ou leur amour est mis à l’épreuve de la volonté de James d’apprendre à parler à Sarah.


Extrait 8 : Le bruit des vagues par poulet42

« Les enfants du silence  » est à la fois le portrait d’une femme forte, et une magnifique histoire d’amour. Il nous rappelle que l’une des plus belles façons de construire notre relation aux autres, c’est de la construire avec l’aide de celui (celle) qui nous aime.

III L’amour

B / Oasis de Lee Chang-Dong (2002)

Autre histoire d’amour, « Oasis  » est une œuvre que son auteur qualifie lui-même de « rugueuse » dans les bonus du dvd : que ce soit dans la manière dont il est filmé, le thème abordé, ce film est très provocateur. Pourquoi ? Parce que cette histoire d’amour est aussi étrange qu’inacceptable pour la société. Elle met en scène Jong-Du, un petit criminel incapable de vivre en société et Gong-Ju, qui est une handicapée physique très très lourde : elle ne peut pas marcher, souffre de spasmes et de crises d’épilepsie, ses mouvements de manière générale sont désordonnés.

Premier extrait : dans cet extrait Jong-Du et Gong-Ju se parlent pour la première fois, et apprennent à se connaître.


Extrait 9 : la princesse et le général par poulet42

Le prénom Gong-Ju, qui signifie princesse est très ironique, car elle est tout sauf traitée suivant ce rang : sa famille se sert d’elle pour avoir un appartement convenable réservé aux handicapés, tandis qu’elle est laissée seule dans l’ancien appartement en ruine. De même quand Jong-Du l’emmène à une réunion de sa famille, elle sera écartée de la photo, comme un objet qui dérange.

Elle partage avec le héros le statut de personnage encombrant pour les autres mais pour des raisons différentes : Jong-Du ne comprend pas du tout les règles de la bien-séance, il est toujours en décalage (on pourrait presque dire qu’il est handicapé social). L’histoire d’amour entre ces deux personnes marginales malgré elles ne peut qu’être scandaleuse pour la société bien-pensante.

Dans le film, le portrait de Gong-Ju est tiré suivant trois degrés de handicap :

  • Handicapée totale où elle ne peut pas parler, telle qu’on la voit au début du film.
  • Au fur et à mesure qu’elle apprend à connaître Jong-Du, elle se montre handicapée physique mais pas mentale, puisqu’elle lui parle
  • Plus handicapée du tout, elle danse avec Jong-Du.

Deuxième extrait, qui donne son nom au film : Après la réunion familiale qui a mal tourné, Jong-Du ramène Gong-Ju chez elle. Leur amour les mène dans une dimension onirique, où le tableau représentant une oasis (seule décoration de l’appartement de Gong-Ju) prend vie : une danseuse indienne, un petit garçon et même un éléphanteau se mêlent à leur danse.


Extrait 10 : Danse de l’oasis par poulet42

Si le troisième degré est clairement du domaine du rêve, le deuxième est beaucoup plus ambigu et détermine toute la vision qu’on a du film : soit il parle du viol crapuleux d’une handicapée par un simple d’esprit, soit il parle d’une histoire d’amour qui défie la société.

Quelque soit l’interprétation, le film pose la question de l’existence sociale d’une personne très handicapée. Même si Jong-Du ne sait pas s’occuper de Gong-Ju, il est le seul à la traiter comme un autre être humain, et pas comme un objet, qu’on peut poser dans un coin et ignorer. C’est donc forcément une relation déterminante pour elle, une Oasis dans un désert de solitude, le seul moment où elle n’est plus définie par son handicap, mais par sa féminité.

IV : Le handicap comme moteur d’action.

Cette partie sera aussi en rapport avec l’amour car comme le disait si bien Baudelaire, « l’amour est pour tous, - ils ont beau le nier, - la grande chose de la vie » Mais cette partie traitera aussi et surtout de femmes d’actions non pas malgré mais grâce à leur handicap, qui ont réussi à le changer en moteur pour accomplir des choses qu’une personne valide ne peut pas faire.

A / Sur mes lèvres (Jacques Audiard - 2001)

Carla (Emmanuelle Devos) est malentendante, mais a compensé ce handicap dans son travail en portant un appareil auditif et en lisant sur les lèvres de ses collègues. Dans sa vie privée, par contre, la barrière entre elle et les autres est toujours présente.

Sa vie est morne, et sa soeur peut tout à fait lui confier son enfant à l’improviste car elle sait qu’elle n’a pas de vie sociale, comme on va le voir dans ce premier extrait.


Extrait 11 : Distance sociale par poulet42

Un surplus de travail l’amène à recruter Paul, qui est encore plus handicapé socialement qu’elle car sortant de prison. L’histoire qui va les lier va les changer tous les deux.

L’un des intérêts de « Sur mes lèvres  » est qu’il n’est pas un film sur le handicap, mais un film policier dont l’un des moteurs principaux est lié au handicap. Plus précisément, la capacité de lire sur les lèvres est la clé de la réussite du plan de Paul. Du coup, cette capacité acquiert une valeur vraiment positive.

Extrait : Emmanuelle Devos surveille des criminels en train de parler, et rapporte ce qu’elle a vu à Vincent Cassel.


Extrait 12 : Lecture des lèvres par poulet42

En plus d’être un très bon film policier, sur mes lèvres est aussi un très beau portrait de femmes. La relation qu’Emmanuelle Devos construit avec Vincent Cassel passe progressivement de la domination à l’amour.

Troisième extrait : Carla accepte de continuer à faire son travail de transcription pour Paul si celui-ci revient travailler avec elle. De sorte qu’ils passeront pratiquement tout leur temps ensemble.


Extrait 13 : Besoin réciproque par poulet42

Au fur et à mesure de cette progression, le personnage de Carla s’épanouit pour devenir petit à petit une véritable femme fatale. Elle vit donc une victoire totale sur son handicap.

B / Hellboy (Guillermo del Toro - 2004)

Nous allons terminer sur le film peut-être le plus surprenant de cette sélection. Le film de super-héros est par définition le genre le plus éloigné du handicap, puisque les héros peuvent faire des choses impossibles aux autres. Mais depuis Superman, le concept de super-héroïsme a beaucoup évolué : le héros n’est pas forcément invulnérable ou parfait : il peut être un héros malgré son handicap, comme Daredevil le héros aveugle, ou le professeur Xavier en chaise roulante, ou il peut être handicapé par un pouvoir trop fort, comme Malicia dans les films des «  X-men », incapable d’avoir une relation amoureuse normale avec un garçon, car elle aspire l’énergie vitale des gens qu’elle touche.

Ce qui nous amène à l’histoire de Liz Shermann dans « Hellboy  ».

Au lieu de vous la présenter moi-même, je vais laisser Guillermo Del Toro s’en charger.

AVI - 17 Mo

Le pouvoir de Liz est, on vient de le voir la capacité d’émettre des flammes en fonction de son état émotionnel. Il pourrait être formidable, s’il n’était responsable de la mort accidentelle de ses parents, et ne l’empêchait de vivre en société. Comment vivre en communauté quand on peut tuer les gens autour de nous à tout moment, sans le faire exprès ?

On est donc dans l’handicap au sens pur : un obstacle qui empêche de vivre normalement et qui est incurable.

Dans le film, Liz trouve deux solutions pour vivre avec son handicap

1 – elle apprend à maîtriser le feu et à le transformer en une lutte contre les forces du mal

2 – elle vit une relation amoureuse avec le seul homme qui ne craint rien d’elle : Hellboy, en tant que fils de démon, ne craint pas les flammes.

On va voir dans l’extrait qui suit comment, pour sauver celui qu’elle aime, Liz va utiliser son pouvoir, non pas dans le cadre subi d’une destruction, mais dans le but de faire une action positive.


Extrait 15 : Liz tue les monstres par poulet42

Toutefois, cette victoire reste amère, car elle si elle vit dans la communauté qu’est le BPRD, elle ne peut se mêler à l’humanité classique, et reste en quelque sorte un monstre de foire. Dans « Hellboy 2 » la question posée par un adversaire à Hellboy est tout à fait valable pour elle : pourquoi défendre les humains et pas nous ?

Conclusion :

L’une des questions que l’on s’était posé en introduction était la suivante : y-a-t-il un genre propre aux films de femmes handicapées ? Après avoir vu tous ces films, on peut clairement répondre non. Une femme handicapée peut être l’héroïne d’une comédie ou d’une tragédie, d’un film musical comme d’action, d’un drame ou d’un film policier. Tout est possible. Rien d’illogique là-dedans : aucune personne ne peut être déterminée uniquement par son handicap. S’il est forcément une composante des portraits de femmes qu’on a pu voir, celui-ci n’est qu’un élément dans un ensemble de relations complexes, faites d’amour et de haine entre une personne, elle-même et la société.

En espérant que vous aurez envie de voir les films que je vous ai montrés, je vous remercie d’avoir pris le temps de lire en entier ce long dossier.

1 Message

  • Portraits de femmes handicapées 1er janvier 2013 18:13, par angelica

    C’est a peine maintenant que je lis cette page dédié aux femmes handicapées,
    je vais essayer voir toutes les films.
    C’est un très bon travail, c’est dommage que vous n’écrivez pas plus sur votre blog.

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