Le fantabuleux blog de Kevo42
Accueil du site > Films > Actualités cinématographiques > L’odyssée de Pi - Ang Lee

L’odyssée de Pi - Ang Lee

lundi 17 décembre 2012, par Kevo42

L’odyssée de PI ou le film qui fait à la fois peur et envie. Peur parce que l’adaptation d’un best-seller canadien écrit par un ami du créateur du cirque du soleil. Peur parce que la bande-annonce à base de pathos et de coldplay vend un film poétique au mauvais sens du terme. Mais envie aussi parce que la filmographie d’Ang Lee est toujours solide, et que le film promet le soleil que nous n’avons ni dans notre ciel, ni dans notre coeur. Alors, bien ou pas, ce film ? Le verdict ici.

L’histoire :

Pi Patel n’est pas un garçon ordinaire. Son prénom est extraordinaire : Piscine Molitor Patel, en hommage à la pureté du bassin du complexe nautique parisien. Son surnom ne l’est pas moins : Pi, parce que piscine prononcé en anglais est source de railleries aussi peu fines que vexantes. Son environnement familial fait rêver : sa famille possède un zoo. Sa destinée fait trembler : alors que les Patel partent s’installer au Canada avec leurs animaux, le bateau sombre, laissant Pi avec pour seuls compagnons, une hyène, une orang-outan, un zèbre blessé, et un tigre aussi magnifique que dangereux nommé Richard Parker.

Autant dire que la traversée s’annonce mouvementée.

Un film sur lequel plane l’ombre de Jean-Pierre Jeunet.

L’histoire du tournage de l’odyssée de Pi est des plus compliquées, presqu’aussi tumultueuse que celle contée à l’écran.

Sur le papier, l’affaire était pourtant simple : adaptation d’un best-seller du canadien Yann Martel est en gros un huis clos sur un canot de sauvetage. Peut pas coûter bien cher. Comme l’histoire est un petit peu fofolle, Hollywood appelle le maître du réalisme poétique : Jean-Pierre Jeunet. Problème, Jeunet travaille bien, écrit un beau scénario, prépare les décors, fait le budget : le film coûte cher. Le studio n’est plus si content, lui demande de vérifier les chiffres. Jeunet réalise alors un storyboard complet, réalise des essais avec des maquettes, recompte bien : ça coûte cher. Un bateau qui coule, un tigre en image de synthèse, une baleine, etc., ce n’est pas gratuit, et il va falloir payer.

Alors la FOX a fait ce que tout chef d’entreprise aurait fait à leur place : délocaliser, et enlever des emplois français pour les réimplanter à Singapour via un réalisateur Taïwanais : Ang Lee. Au final, le film a tout de même coûté très cher, sera plus ou moins rentable (déjà 200 millions de dollars de recettes pour un budget de 120, sachant qu’il y a la promotion et un tas de trucs compliqués qui nous regardent pas), et c’est très bien ainsi.

L’histoire complète racontée par Jean-Pierre Jeunet est à lire ici : http://jpjeunet.com/news/

Pourquoi est-ce que je vous parle de ça ? Du projet de Jean-Pierre Jeunet il ne reste a priori rien : pas de mention au scénario, pas de remerciements. Pourtant, il est difficile d’imaginer que le studio ait vraiment tout jeté à la poubelle.

On sait qu’Ang Lee est un caméléon. Films autour de l’homosexualité (garçon d’honneur, le secret de Brokeback mountain), de la famille (Salé, sucré, Ice Storm), mais aussi kung-fu (tigre et dragon), comic (Hulk), j’en passe et du Jane Austen : le Taïwanais a tout fait. Contrairement à un Kubrick abordant tous les thèmes en imposant son esthétique, Ang Lee s’adapte constamment à son matériel, cherchant toujours une manière de raconter l’histoire de manière fluide, ne reculant pas devant le spectaculaire, mais en mettant toujours les personnages au premier plan.

Et là, Ang Lee fait du Jean-Pierre Jeunet, au moins pour la première partie du film. Montage fluide à base d’anecdotes, attention au détail joli et qui sort de l’ordinaire, volonté de créer un cadre poétique. On a vraiment l’impression de regarder Amélie Poulain en Inde, sans les filtres jaunes et verts. Difficile de savoir s’il y a eu véritable inspiration, ou si Ang Lee a simplement voulu reprendre son travail sur le montage expérimenté avec Hulk, mais le résultat est là.

Un film quelque part entre seul au monde, l’étalon noir, et 127 heures

Sauf film de genre très précis, il est toujours délicat de résumer un film à ses influences, réelles ou supposées. Toujours est-il que ces trois films donnent une bonne idée de ce à quoi vous pouvez vous attendre en allant voir ce film.

Seul au monde est une référence évidente, parce que l’odyssée de Pi est un récit de naufrage et de survie. Comment faire mentalement quand le monde qu’on croyait là pour toujours (la famille, le futur qu’on avait prévu) disparaît en une seconde, pour ne laisser qu’un océan de solitude. Il faut apprendre à vivre en conditions hostiles (tempête, manque d’eau potable, tigre de l’autre côté du bateau), sans perdre la raison.

L’étalon noir aussi, car l’odyssée de Pi partage un peu la tonalité new age du film de Caroll Ballard. Les deux films partagent un naufrage de cargo, la cohabitation avec un animal, l’amour de la nature. Dans les deux cas, la survie passe par une recherche de communion avec la nature. Dans l’étalon noir, c’est une amitié indestructible qui se crée entre le garçon et le cheval, une symbiose dont l’île perdue est le témoin, dans un panthéisme qui rappelle Terrence Malick. Dans l’odyssée de Pi, il est moins question de symbiose que de respect : on ne monte pas sur un tigre (sauf si on est Musclor), on le dompte, et on prie pour qu’il ne vous mange pas la tête durant votre sommeil. Toutefois, les deux films partagent ce respect face à la nature immense, grandiose, et dangereuse, qui représente un personnage à part entière.

127 heures enfin car comme le film de Danny Boyle, l’odyssée de PI cherche à éviter le piège de l’ennui. Bien que réduits à une unité de lieu ultra contraigante (une grotte dans 127 heures, un radeau dans PI) , les deux cherchent constamment à s’évader. 127 heures fonctionnait par le jeu de flashbacks et de confessions à la caméra, qui brisaient la monotonie. Pi profite de ce que le lieu est en mouvement : les péripéties naissent des parties de l’océan sur lesquelles il navigue : baleine, dauphin, et autres seront au rendez-vous. La contre-partie est la même que dans les aventures de James Franco et de son caillou : si l’on ne s’ennuie pas, il est difficile de ressentir la lassitude et la monotonie liées à une telle aventure, qui ronge les nerfs et fait perdre l’espoir. Ceci dit, filmé par Brillante Mendoza, ou Michael Haneke, le film aurait été plus réaliste, mais aussi bien ennuyeux. Deuxième et dernier point commun, les deux films sont très colorés et rythmés. Si l’esthétique semble très kitsch dans la bande-annonce, elle passe très bien dans le contexte. De plus la 3D, même si pas extraordinaire, est tout de même bien foutue. Elle renforce intelligemment les actions les plus spectaculaires, et apporte une profondeur de champ bienvenue.

Et alors c’est bien ?

C’est pas mal du tout. Porté par des scènes spectaculaires et un personnage attachant, l’odyssée de PI est un film qu’on peut voir avec sa maman sans avoir honte, et sans s’ennuyer. Donc oui, il y a des poulpes violets fluos, quelques plans moches et une fin lourdingue, nulle et à contresens, mais rien que pour la scène du naufrage, ou le générique en 3D avec les animaux bizarres, ce film vaut d’être vu.

Pour en savoir plus :

une interview de Ang Lee par Collider, toujours très bons dans cet exercice.

Le site officiel : http://www.lifeofpimovie.com/

Répondre à cet article

SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0