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Hunger games - Gary Ross - 2012

mercredi 28 mars 2012, par Kevo42

Contrairement à John Carter, Hunger Games est ce qu’on appelle un méga-carton du box-office, du moins aux Etats-Unis. Pourquoi un tel succès ? Est-ce mérité ? Et surtout question essentielle, Hunger Games est-il à la hauteur de l’événement ? La réponse tout de suite.

L’histoire :

Après la guerre nucléaire, l’humanité (c’est-à-dire les Etats-Unis d’Amérique) s’est reconstruite autour d’une dictature : d’un côté les riches, habitant Panem, aussi appelée le Capitole. De l’autre les pauvres, répartis en 13 districts, chacun visant à produire une ressource naturelle, chacun pauvre et isolé. Lorsque le 13ème district lança la révolte, la guerre fut terrible, et le capitole gagna, rasant le district rebelle.

Pour rappeler à chaque district le pouvoir de vie et de mort que détient sur eux le régime, chaque district devra tous les ans fournir un garçon et une fille, âgé entre 11 et 18 ans, soit 24 tributs, qui devront s’affronter dans une gigantesque arène jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un . Ce jeu est télévisé, chaque citoyen est obligé de le regarder, et il s’appelle les hunger games (les jeux de la faim en français).

Mon avis :

Il m’est bien difficile de donner mon avis sur ce film, car deux âme habitent ach en mon poitrail en le voyant.

La première âme est celle d’une jeune adolescente, qui a lu les trois livres en deux semaines, dont le cœur a battu au rythme des aventures de Katniss Everdeen, Gale et Peeta, et qui se réjouissait tellement de voir le livre au cinéma qu’elle l’a vu deux fois sur grand écran en deux jours. La midinette en moi se réjouit de voir :

  • un film très fidèle, tous les événements y étant plus ou moins.
  • de très bons acteurs (Jennifer Lawrence, nommée aux Oscars en 2011 pour Winter’s Bone, Josh Hutcherson qui joue dans l’excellent Detention dont je vous parlait ici pour les personnages principaux, en plus de Stanley Tucci excellent en Michel Foucault de l’extrême, et d’un casting globalement très bien trouvé et très bien dirigé).
  • une belle direction artistique et même une musique parfois pas mal quoique sans grande personnalité (mais bon, Arcade Fire nous joue un petit morceau à un moment, ça fait plaisir.)
  • Une histoire d’amour discrète mais bien gérée. Ah le plan de Gale dans la forêt qui n’ose regarder celle qu’il aime sans le savoir au moment de se jeter dans l’arène, ah la scène de la grotte avec Peeta !

Bref, la plupart des personnes ayant lu le livre accrochent vraiment sur le film, ce qui fait que quoi que je puisse vous raconter par la suite, j’ai envie de vous dire : si vous aimez le livre, allez voir le film. Tant mieux au final que le public cible soit content : après tout, les lecteurs sont nombreux (surtout aux Etats-Unis, ce qui explique l’écart de fréquentation avec la France) et le bouche à oreille reste la campagne de promotion la moins chère possible.

La deuxième âme en moi n’a pas du tout aimé ce film. Pourtant elle l’aurait voulu. Cette âme là est celle d’un trentenaire plus ou moins cinéphile, qui connaît un peu la science-fiction contestataire des années 70 – 80, les post-apo (Mad-Max et ses déclinaisons), qui a vu Battle Royale, et qui aime le cinéma de Verhoeven, et qui a lu dans Hunger Games le matériel idéal pour le retour du Hollandais Violent. Cette âme là a l’impression de s’être fait voler.

Comme dans Starship Troopers ou Robocop, le matériel de base est en effet plutôt très violent et cruel. Les événements horribles qui y sont contés, notamment quand l’héroïne arrive dans l’arène, sont renforcés par le point de vue à la première personne du roman. On apprend à la connaître, à apprécier son caractère de jeune femme dure, obsédée par la survie, incapable de comprendre la futilité des gens de Panem, qui ne sait pas si elle a le droit ou le temps d’avoir des sentiments et qui va se révéler dans l’épreuve. S’il faut tuer, même si elle ne le veut pas, elle le fera. S’il faut aimer, même si c’est pour de faux, elle le fera. L’important c’est de rentrer chez soi, dans le meilleur état possible : physique bien sûr, mais mental aussi. Garder sa fierté. Ne pas finir comme l’épave qui leur sert de mentor : Haymitch, vainqueur et vaincu à la fois, qui n’a survécu aux Hunger Games que pour s’enfoncer dans l’alcool et la dépression.

Le problème est le suivant : soit on filme le matériel de manière frontale, façon Starship Troopers et le film prend une interdiction aux moins de 16 ans (lire est une chose, voir une autre), et obtient un succès limité (pour mémoire Starship Troopers a certainement été un succès en vidéo, vu le nombre de suites qu’il a reçu, mais un gros bide au cinéma). Soit on arrondit les angles et on obtient le troisième meilleur démarrage au box-office de tous les temps. Le calcul est vite fait :

Haymitch n’est plus un alcoolo fini et manipulateur, mais un mec un peu triste, un peu rigolo, avec un bon fond, finalement, l’histoire d’amour n’est plus vraiment feinte mais plutôt réelle, les morts sont moins graphiques et surtout l’action est filmée n’importe comment.

Le gros problème du film est en effet qu’il n’est pas très bien filmé, tant techniquement que par son absence de point de vue.

Techniquement, le début fait illusion : le choix d’une photographie assez terne, avec des couleurs délavées, se défend. Les jump cuts, l’attention aux détails donnent au film une sensation de cinéma indépendant qui sied bien au film. Problème, cette idée de mise en scène est à peu près la seule. Or, Hunger Games est un livre qui a à peu près trois mouvements :

  • la vie dans le district 12, qui insiste sur la dureté de la vie de Katniss et des gens qui l’entourent
  • la vie à Panem, un monde saturé de couleurs où les occupations les plus futiles en apparence ont une importance vitale (l’adhésion du public est essentielle si Katniss veut survivre une fois dans l’arène, or le public s’intéresse à la voir sourire, aimer, porter de beaux vêtements, ce qui est extrêmement cruel parce qu’elle se sent comme une bête qu’on envoie à l’abattoir et qui devrait danser des claquettes en y allant)
  • enfin la vie dans l’arène, où la moindre erreur se paie content, où on ne peut trouver la paix, où les plantes sont empoisonnées, où le feu peut surgir de n’importe où, où l’on est trahi, où l’on a mal, où l’on peut mourir pour de vrai.

Ces trois étapes sont filmées de la même manière et il me semble que c’est une erreur :

  • la partie dans le district est très bien, mais comme dans le livre, elle est plutôt courte ( les dialogues ne tiennent pas vraiment compte des quelques coupes faites dans le matériel original : Katniss demande à sa sœur de bien s’occuper d’une chèvre qu’on ne verra jamais, puis exhorte sa mère à s’occuper de sa jeune fille sans qu’on sache, au moins à ce moment, quel est le problème de la mère, mais bon c’est du détail)
  • la partie au Capitol manque de panache dans le dérisoire. Les scènes se suivent mais aucune ne marque alors que dans le livre, le défilé, la robe, sont des moments très forts.
  • la partie dans l’arène demande une mise en scène ample et fluide, qui rende compte de la géographie de l’arène et de l’âpreté des combats. Au lieu de cela, on reste toujours sur ces plans serrés ultra étriqués, et une volonté énervante de montrer sans montrer qui est particulièrement énervante. Parce que, désolé, mais Hunger Games est un roman violent, et la violence y est choquante. On est pas obligé de mettre du sang partout, on peut suggérer des choses, jouer sur le hors champ. Il y a plein de moyens de faire. Mais faire trembler la caméra comme si le chef opérateur était atteint de la maladie de Parkinson, cela ne va pas. C’est comme si l’on disait : les mineurs n’ont pas le droit de regarder le porno en clair, mais ça va si on le montre en crypté. Ils comprendront bien ce qui se passe et on aura rien à se reprocher. Donc soit on filme la violence, soit on la filme pas, mais on filme pas la violence n’importe comment. C’est du cinéma quand même. Incroyable d’ailleurs de voir à quel point un simple plan filmé en hauteur, sans trembler, un plan lisible et ample, survenant lors du combat final, apparaît comme une bouffée d’air frais dans un cadre qui sent le renfermé. On se met alors à rêver de ce qu’un John McTiernam période Prédator aurait pu faire de ce film où la forêt est l’ennemi.

Enfin, deuxième aspect qui va de pair avec le premier, le film n’a pas vraiment d’identité propre, mais repose sur une mémoire collective pour s’en créer une. Le district, c’est winter’s bone : les mêmes maisons, les mêmes personnes aux mains abîmées, aux joues creusées, la même situation familiale pour l’héroïne, la même actrice principale. Du coup pourquoi s’embêter à développer les enjeux si on les connaît déjà, au moins inconsciemment ? Pareil pour Panem, les couleurs, les costumes couleur néon, on connaît, les films post-apo italiens, la SF seventies façon Soleil vert, ou même les excès graphiques du Running man. Pourquoi s’embêter à donner de l’ampleur à ce qu’on voit ? Enfin pour les jeux de la faim en eux-mêmes, on sait à quel point cela peut être terrible si on a vu Battle Royale, alors ce n’est pas la peine d’en rajouter.

Ce manque de personnalité est d’autant plus frappant que le livre en avait à revendre, malgré ses emprunts évidents aux différentes mythologies rappelées ci-dessus. Mais en se contentant d’adapter à la lettre (et encore) le livre, le film en manque l’esprit. Les thèmes ne sont jamais mis en valeur (l’affrontement pauvres / riches, le voyeurisme de cette télé qui nous donne le contrôle sur la vie des autres, les hunger games comme lieu du traumatisme physique et moral, une épreuve si terrible qu’elle brise votre vie que vous y surviviez ou non), et le film reste plat, à l’image de sa mise en scène étriquée.

En conclusion, Hunger Games est un drôle d’objet. Un peu comme l’adaptation de V pour Vendetta, le film a un intérêt, parce que le matériel de base est vraiment très très bon, et que le scénario tente d’y coller le plus possible. Mais comme pour le film de James McTeigue, il déçoit par une réalisation qui n’ose pas, et par un scénario qui insidieusement gomme les aspects les plus dérangeants de l’histoire originale. Ce qui donne au final un film pas nécessairement raté, mais qui a du mal à poser des enjeux clairs, et dont l’action démarre très tard pour ne jamais être vraiment impressionnante.

Un film pas mal donc. Dommage, ça aurait pu être tellement bien.

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