Avant de parler du film, parlons un petit peu de cette première édition du PIFFF. Alors qu’on a longtemps considéré l’étrange festival de Lyon comme le petit frère du festival parisien, les organisateurs, désormais appelé hallucination collective, prennent d’assaut la capitale avec un nouveau festival, le PIFFF. Vous suivez ?
Pourquoi le PIFFF ? Cet acronyme bien commode permet d’insérer ce nouveau festival dans la tradition d’autres festivals, tels le BIFFF (Brussels international fantastic film festival), le TIFF (Toronto international film festival), ou encore le LUFF (Lausanne underground film and music festival).
Si le départ est assez modeste (une compétition de courts métrages, une compétition de longs métrages, cinq jours de compétition, une salle du gaumont opéra utilisée), il se fait sous de très bons auspices : un partenariat intéressant avec Mad Movies, un jury prestigieux (Christophe Gans, Roger Avary, Jaume Balaguero, et Lucile Hadzihalilovic, vraiment pas mal pour une première édition), et surtout pleins de bons films, inédits en France.
Le festival a d’ailleurs bien marché, avec un très bon taux de remplissage des salles, et une organisation sans problème (on a un peu attendu avant detention, mais c’était pour permettre au réalisateur, venu spécialement des Etats-Unis, de faire quelques tests pour que la projection se fasse dans les meilleures conditions possibles, donc autant dire que c’est du zéro problème). Le tout a donc culminé lors de cette soirée de cloture très agréable, avec des remises de prix courtes et bien faites, et une bonne humeur générale qui fait plaisir.
Au niveau des courts-métrages, on a pu voir en films primés : un court français assez modeste, sur un homme enterré jusqu’au cou dans un terrain vague post-apocalyptique. Un sujet bien adapté au format du court-métrage, qui permet pas du tout de se prononcer sur une éventuelle capacité à faire un bon long-métrage par la suite. Juste un bon court, c’est déjà ça. Une démo technique pour une future adaptation du Peter Pan de Loisel. Plutôt joli, très ambitieux, mais des acteurs super mauvais, qui laissent présager d’un truc pas terrible façon Immortel d’Enki Bilal. Un court coréen avec là encore une idée assez modeste (résoudre une équation très difficile dans un temps limité sous peine de se faire éclater la tête), mais bien menée, et une réalisation typique de ce qu’on peut attendre de ce pays (les couleurs rappellent beaucoup ce qu’on voit chez Park Chan-Wook) Enfin un court-métrage anglais inspiré par Tarkovski et Kubrick (rien que ça), sur un homme en train de mourir dans une tranchée, et qui s’imagine la Mort comme une jeune femme gothique barbière dans un salon de coiffure des années 10. Très joli techniquement, mais pas très intéressant non plus.
Paris International Fantastic Film Festival 2011... par pifff
Bref, il était temps de passer au film que tout le monde attendait, Detention, de Joseph Kahn.
Présentons le personnage :
Joseph Kahn, c’est lui :
et son oeuvre, c’est ça :
Mais aussi ça
Ou encore ça
Au cinéma c’est aussi et surtout ça :
Bref, un génie. Detention est un film qui contient un peu de tout ça, et beaucoup plus encore. Un film qui brise toutes les limites, et qui pourra être considéré comme le pire film ou le meilleur film que vous verrez dans l’année (ou au moins dans la semaine, n’exagérons rien).
Dans son petit discours d’introduction, Joseph Kahn a dit :
« Il y a 4 règles à Hollywood : Ne jamais faire de films avec des enfants Ne jamais faire un film avec des animaux Ne jamais mettre son propre argent dans son film Ne jamais travailler avec le réalisateur de Torque Ce film bafoue toutes ces règles »
Déçu par son expérience hollywoodienne (qu’il a comparé à la sensation qu’on peut ressentir quand on drague une très belle fille, et qu’on se retrouve au lit avec un catcheur de 300 kilos qui veut t’infliger une prise de soumission), Joseph Kahn a décidé d’investir son propre argent dans ce film qui se veut sans compromis.
Maintenant, revoyez les vidéos précédentes, et imaginez ce que cet apôtre du mauvais goût, des armures en latex, et des transitions impossibles entre plans que même Tsui Hark n’oserait pas peut faire si on lui laisse une totale liberté.
Oui, ça ne ressemblera pas à du François Truffaut.
Mais plutôt à ça :
Detention, c’est donc l’histoire d’une jeune fille pas très aimée dans son lycée, confrontée à un tueur en série inspiré d’un film, qui devra se débrouiller pour survivre et devenir populaire. Scénario complètement classique jusque là.
Mais Detention c’est surtout un film post – post – post – moderne, un maelström de références, allant de Scream à Parker Lewis ne perd jamais, de Donnie Darko à Kaboom, de All the boys love Mandy Lane aux Backstreet boys. Un film hystérique, filmé à cent à l’heure, qui avance comme une moto sur un train, dont le seul motif semble être : surprendre le spectateur.
Je ne vous raconterai donc pas ce qu’on voit dans le film, pour ne pas gâcher la surprise, mais si vous aimez le cinéma bis, vous allez aimer. Il y a du sang, des looks 90’s improbables, des reprises de tubes 90’s improbables, des djeunz qui parlent de douze trucs en même temps tout en envoyant des textos, un ours empaillé, et, comme son nom l’indique, une heure de colle très particulière (et hilarante, il faut bien l’avouer).
Bref, c’est vraiment bien, une sorte de roller coaster ultra crétin, mais en même temps ultra assumé, ou le bordel ambiant est parfaitement organisé pour faire, malgré tout, sens à la fin, d’une certaine façon.
On souhaite donc tout le succès possible à ce film impossible, parce que ce serait dommage que Joseph Kahn se retrouve sur la paille à cause de lui, et soit obligé de faire un Torque 2.
Pour en savoir plus :
une interview intéressante et en français de Joseph Kahn : http://www.spectacularoptical.ca/fr...
Et une interview - vidéo de Mark Palermo et de Joseph Kahn :
RSS 2.0