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7 psychopathes - Martin McDonagh

lundi 14 janvier 2013, par Kevo42

Deuxième film de Martin McDonagh après bons baisers de Bruges, sept psychopathes est un film que j’attendais au point de lui avoir consacré un petit article de présentation. Comme on va le voir, ce film est à la fois la confirmation d’un grand talent et une déception. Comment est-ce possible ? La réponse ci-dessous.

De quoi ça parle ?

Marty (joué par Colin Farrell) est un scénariste atteint du syndrome de la page blanche, alors qu’il cherche à écrire un film intitulé sept psychopathes. Du coup, il boit, se fait entretenir par sa copine (jouée par Abbie Cornish), et traîne avec Billy (Sam Rockwell), un acteur sans rôles qui vit en kidnappant des chiens qui sont ensuite rendus par son complice Hans (Christopher Walken) contre une récompense.

Cette amitié va l’entraîner dans des aventures rocambolesques qui vont le plonger dans des dangers incommensurables et nourrir son imagination.

Un film au casting incroyable au service de dialogues tranchants.

Malgré son titre, 7 psychopathes n’est pas un film choral, mais il réunit tout de même une distribution impressionnante : Colin Farrell, Sam Rockwell, Christopher Walken, Woody Harrelson, Tom Waits, Olga Kurylenko, Abbie Cornish, avec en plus des apparitions de Harry Dean Stanton et de Gabourey Sydibe (l’actrice de Precious).

2 raisons à cela :

- la première est que Martin McDonagh est très fidèle envers ses acteurs : Colin Farrell jouait dans bons baisers de Bruges, Sam Rockwell et Christopher Walken dans la pièce a behanding in Spokane. A force d’additions, on arrive à quelque chose d’impressionnant.

- la deuxième est que les acteurs savent qu’en jouant pour McDonagh, ils auront des répliques intéressantes à interpréter.

En effet Martin McDonagh est un réalisateur relativement neuf, mais un dramaturge expérimenté et respecté. Il est connu pour son univers noir et son comique absurde et irrévérencieux. Cet univers que l’on avait vu dans bons baisers de Bruges est là encore bien présents : on y croise des mafieux minables, des perdants magnifiques, qui se trouvent dans des situations très particulières, qui sont l’occasion de dialogues ou de monologues qui mettent en valeur leurs interprètes : Sam Rockwell et Christopher Walken en particulier sont époustouflants.

7 psychopathes et demi

Si l’on pourrait croire que le nom du film est un hommage aux sept samouraïs ou aux sept mercenaires, voire même à la bande dessinée éponyme, il n’en est rien en réalité, quoi qu’en dise la très moche affiche française. Le film à chiffre qui se rapproche le plus de 7 psychopathes est 8 et demi de Fellini.

Comme dans le film de Fellini, on assiste là à un blocage créatif face à l’impossibilité de retranscrire sa pensée à l’écrit. Pour Fellini, il s’agit de raconter sa vie à travers les femmes de sa vie. Pour McDonagh, il s’agit de parler de toutes les histoires de gangsters et tueurs qu’il pourrait imaginer, mais qui ne seraient pas assez consistantes pour constituer un film entier.

Le film de Fellini est très cohérent : bien que parlant d’un échec, le film dans son intégralité correspond exactement à ce que le personnage principal souhaiterait faire. Le film de McDonagh est moins cohérent. Chaque histoire, parce qu’elle est raccrochée à un personnage différent (les sept psychopathes en question), pourrait être le segment d’une anthologie dont l’histoire principale servirait de récit cadre. Prises en elles-mêmes, les histoires concernant Tom Waits et le prêtre Vietnamien sont super, mais elles n’ont rien à voir avec le reste. L’histoire du passé de Christopher Walken est géniale, mais elle n’apporte rien du tout à la personnalité du personnage.

De plus, là où Fellini ancrait ses histoires dans une autobiographie qu’il traitait avec fantaisie, les histoires de McDonagh sont clairement issues d’univers cinématographiques, notamment ceux de Tarantino (les mafieux qui parlent, qui parlent, jusqu’à ce qu’une explosion de violence survienne) et des frères Coen (les personnages décalés et losers, la musique de Carter Burwell). Du coup, le film est un peu trop métatextuel : il s’agit d’un film de cinéma, qui se montre comme film de cinéma et qui puise sa matière dans l’histoire du cinéma, et ne cherche l’originalité que dans la manière qu’il a de jouer avec les codes du cinéma, comme par exemple celui de la fusillade finale.

On espère constamment que le film va nous amener vers de vrais sentiments humains, comme l’avait si bien fait Bons baisers de Bruges, mais on repart constamment vers quelque chose de méta.

Enfin, dernière grande différence avec le film de Fellini : si l’Italien était obsédé par les femmes, on peut dire que celles-ci sont absentes de 7 psychopathes : Abbie Cornish disparaît assez vite pour revenir dans un plan qui devrait faire naître des gifs animés à foison, et Olga Kurylenko doit avoir deux scènes.

Et alors c’est bien ?

Le bilan est mitigé. Le film est rempli de dialogues très bien écrits et interprétés, est bien réalisé, avec de très grands moments et devrait donc être un très bon film. Pourtant, parce qu’il ne fonctionne que comme une somme de scènes, on ne peut s’empêcher d’être frustré, d’autant plus que le film est un peu long (01h50). Surtout, la finalité de tout cela semble assez lointaine : plutôt qu’un film nous expliquant comment on écrit une histoire et cherchant désespérément à devenir un film culte, on aurait préféré une histoire qui raconte quelque chose de plus impliquant et plus sincère.

Bonus : à propos des affiches :

Le film est intéressant sur un point : il est assez déroutant dans sa construction et dans ce qu’il raconte, ce qui le rend difficile à vendre. Les deux affiches visent des approches très différentes, en utilisant exactement les mêmes photos des personnages.

L’affiche française présente plus haut, avec son gros ciel bleu, accentue l’aspect comédie, comme à l’époque de Bons baisers de Bruges, où le révolver de Colin Farrell avait été remplacé par une banane. Une stratégie étrange, car s’il y a bien de l’humour dans le film, celui-ci n’a aucun rapport avec celui d’un film de Fabien Onteniente.

L’affiche américaine au contraire, avec son alignement de personnages avec le petit numéro en dessous, rappelle celle de Trainspotting ou d’Usual Suspects. Elle correspond plus au film dans le sens où elle marque le côté accumulation du casting, ainsi que le mélange de polar et d’humour noir, mais il est intéressant de marquer que le film ne ressemble malgré tout ni à l’un ni à l’autre de ses modèles.

D’ailleurs, il est intéressant de constater que les sept psychopathes du film ne sont pas tout à fait ceux de l’affiche. Les acteurs manquants n’étaient pas assez connus, je suppose.

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