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2015 : 10 bandes dessinées de gens qui se tapent dessus

lundi 21 décembre 2015, par Kevo42

Fin décembre, début des rétrospectives. Pour parler de bande dessinée, j’ai été confronté à un dilemme. J’ai lu trop de bonnes histoires pour me contenter d’un top 10 mais pas assez pour rentrer dans un détail de catégories très complexe (manga, comics, bd, roman graphique, etc.). En tant que bibliothécaire spécialisé en Bande dessinée, j’ai lu assez de choses pour avoir un avis sur 2015, mais, n’étant pas journaliste, je n’ai pour autant pas tout lu et vous verrez à la fin de l’article que la liste de mes envies est des plus imposantes. Aussi provisoire que soit ce top 10, il témoigne de quelque chose d’assez important pour moi : ce que j’ai lu en priorité, qui correspondait naturellement à ce que je voulais lire. Ne fait-on pas ce genre de listes dans un autre but que celui de se connaître soi-même ? J’espère pour autant que cette liste vous donnera envie de découvrir ces œuvres. Comme d’habitude, pas de commentaire en bas de l’article mais vous pouvez réagir sur la page facebook ou le compte Twitter. On se retrouve dans le courant de la semaine pour la deuxième partie de la rétrospective BD : 10 bandes dessinées de gens qui parlent (au lieu de se taper dessus).

1 - Jojo’s bizarre adventure : battle tendency et Diamond is unbreakable – Hirohiko Araki (dessin et scénario)

Malgré toute le respect que je peux éprouver pour les autres bandes dessinées présentes dans ce classement, aucune ne peut prétendre être à la hauteur de Jojo’s bizarre adventure parce que, fondamentalement, Jojo c’est la vie.

Il y a bien sûr quelque chose d’injuste à ce que les meilleures bandes dessinées d’action de l’année datent de 1987 pour Battle tendency, 1992 pour Diamond is unbreakable et 2004 pour Steel Ball Run (dont je n’ai pour l’instant lu que les trois premiers volumes, qui sont eux aussi divins), mais l’histoire de la réception de Jojo en France est intéressante. La série est en effet passée relativement inaperçue lors de sa première publication par J’ai lu. Tonkam a commencé sa reprise par la cinquième partie, puis la sixième, puis la troisième, la septième (toujours en cours), la première, la deuxième et maintenant la quatrième. Un sacré méli-mélo donc, qui pourtant ne nuit pas à la compréhension ni au plaisir que l’on prend à la lecture car, telles un escalier dessiné par Escher, les idées d’Araki sont toujours plus folles, quelque soit l’ordre dans lequel on lit les volumes.

Si sur le principe, les affrontements entre les différents Jojo et leurs ennemis sont toujours basés sur la tactique et sur la capacité à trouver le point faible de l’adversaire, les situations semblent pouvoir être renouvelées à l’infini . Nazi robotisé, dieu vampire vieux de 3000 ans mais nommé d’après le groupe de George Michael, indien courant pieds nus tout aussi vite que les chevaux les plus rapides ou juste amoureuse obsessionnelle capable de torturer le garçon qu’elle aime avec ses cheveux pour qu’il s’améliore, ne sont qu’une petite part des figures que vous allez croiser dans ces pages.

Jojo’s bizarre adventure est aussi l’histoire qui met en scène les héros et méchants les plus charismatiques, avec leurs traits de langages, leurs fameuses Jojo poses, leurs vêtements excentriques, et leur capacité à passer de l’héroïsme à la débilité totale en moins d’une case.

Bande dessinée la plus drôle et la plus palpitante qui soit, Jojo’s bizarre adventure est peut-être la dernière œuvre du génie humain capable de rendre heureux.

2 - Herakles vol. 3 – Edouard Cour

Première œuvre et premier coup de maître pour le jeune dessinateur Edouard Cour, Herakles est une nouvelle bonne surprise des éditions Akileos.

L’histoire est connue de tous : Hercules, ses travaux, sa tunique empoisonnée, mais l’a-t-on déjà lue mieux racontée qu’ici ? En se replongeant dans les récits, Edouard Cour ne sacrifie en rien la puissance mythologique du demi-dieu tout en lui donnant du sens. Qu’est-ce qu’être un homme, qu’est-ce qu’être un dieu, qu’est-ce que le destin ?

Dans ce troisième volume, on verra Herakles goûter à de rares moments de calmes auprès de femmes qu’il aime, avant de devoir repartir au combat. La fin est aussi triste que superbe.

Le dessin d’Edouard Cour, aussi inspiré par la poterie grecque que par Dragon ball, est de plus en plus beau et rythmé, avec en plus un superbe petit bonus animé à voir sur internet. Une trilogie que l’on lira et relira avec pour seul reproche d’être un peu trop rapide à certains moments. L’histoire en est si intéressante que l’on n’aurait pas rechigné à un quatrième volume.

3 - Freaks’ squeele : Masiko, Rouge et normal – Florent Maudoux (+ Sourya au dessin pour Rouge)

Durant les sept années qui ont séparé le premier et le dernier volume de Freaks’ Squeele, Florent Maudoux est passé du statut de jeune auteur inconnu à celui de créateur d’un des mondes les plus intéressants et foisonnants de la BD francophone. Au delà des influences et clins d’œils, il a su imposer une tonalité et un style de dessin qui lui est propre, avec ses femmes gentiment en chair, ses scènes d’actions à couper le squeele, et une capacité d’imagination et d’effet wow qui semble ne pas avoir de limite.

Si A move & z-movie conclut la série principale, on n’a pourtant pas l’impression d’en avoir fait le tour. Tant d’héroïsme, d’actions d’éclats pour une « simple » histoire de révolte étudiante et d’expression d’angoisse face au futur économique ? On ne peut et ne veut y croire. Quand Funérailles (dernière série parallèle encore en cours) sera fini, on espère donc un Freaks’ squeele Z avec nos étudiants devenus héros, des spin-offs, des crossovers avec des super-héros philippins (après tout Captain Barbell faisait bien une apparition dès le premier épisode), un dessin animé, un film avec Gérard Depardieu et Clovis Cornillac, des jouets, un jeu de combat conçu par Arc system, et encore ce serait le minimum.

4 - Ms Marvel – G.Willow Wilson & Adrian Alphonsa & Wolverine and the x-men – Chris Bachalo, Jason Aron

Et si le renouveau des séries Marvel passait aussi par leurs jeunes héros ? Alors qu’il est pratiquement impossible de suivre les évolutions des personnages classiques, entre les morts, les résurrections, les univers parallèles, et les changements de bord, ces deux séries proposent de repartir sur de nouvelles bases. Mais plus encore que la nouvelle génération protégée par Wolverine, aux aventures très agréables mais aux enjeux flous, piégée dès le deuxième volume dans un crossover dont l’enjeu la dépasse, c’est l’histoire de Miss Marvel qui nous passionne.

Super-héroïne adolescente, féminine et musulmane, elle a surtout le bon goût de ne pas tomber dans le piège de remplacer le scénario par une accumulation de signes destinés à montrer que la série s’adresse à des jeunes hyper connectés et tendances. Kamala Kahn est une super-héroïne positive, extrêmement enthousiaste à l’idée de mettre ses pouvoirs au service des autres, qui a les pieds sur terre et la volonté de montrer que la nouvelle génération est porteuse de promesses.

Ms Marvel est une série drôle, bien écrite, et en plus bien dessinée. Que vous faut-il de plus ?

5 - Kairos vol.3 – Ulysse Malassagne City hall 7 – Guillaume Lapeyre, Rémi Guérin

2015 a clairement été l’année d’une fin de cycle pour Ankama : fin de Freaks’ squeele normal et rouge, de Mutafukaz, de The Grocery, mais aussi de Kairos et de City Hall.

Il n’est pas besoin d’en dire beaucoup plus sur City Hall : la qualité est restée constante tout au long des épisodes mêlant shonen et littérature du dix-neuvième siècle pour des scènes par moment extrêmement spectaculaires. On se souvient encore avec émotion de l’apparition de Lovecraft et ses techniques tentaculaires. Une série qu’on relira avec plaisir, l’éloignement entre les volumes ayant rendu l’histoire parfois un peu rapide et confuse. City Hall est un univers que l’on a du mal à quitter : on attend donc beaucoup des spin-offs prévus dès 2016.

Kairos raconte une histoire bien plus simple mais parfaitement racontée. Là où City Hall est un feuilleton, Kairos est un long métrage sur papier que l’on rêve de voir un jour au cinéma.

Si le dessin rappelle immanquablement Miyazaki ou le Makoto Shinkai de Voyage vers Agartha, les thématiques sont propres au jeune auteur déjà remarqué avec Jade. Deux BD pour deux héros qui se transforment petit à petit en monstres, trop occupés à suivre leur intérêt personnel pour se rendre compte de l’impact dévastateur de leur action. Le découpage des planches d’Ulysse Malassagne nous porte, leur sens nous dévaste. Un voyage vers l’inconnu dont on ne sort pas complètement indemne.

6 – Last man 7 – Vivès, Sanlaville, Balak

On avait laissé nos héros sur un final dramatique et ce nouvel arc commence doucement mais sûrement, avec une très très belle case vers la fin du volume, quand nos héros se retrouvent. Au delà des scènes d’action toujours aussi bien faites, de l’humour toujours présent, ce qui marque est l’aspect récit initiatique qui se poursuit. Tout comme dans Polina, c’est en se confrontant aux difficultés de la vie que l’on apprend et perfectionne son art.

Si 2015 a été une année de projets annexes pour les auteurs de Last man (deuxième tome de la grande Odalisque pour Vivès, les Kassos pour Balak), 2016 devrait être celle de la consécration : exposition à Angoulême, deux ou trois volumes dans l’année, la série télévisée et le jeu vidéo en attendant on l’espère, le film avec Clovis Cornillac dans le rôle de Richard Aldana et Kev Adams dans le rôle d’Adrian Velba.

7 - Ladyboy vs Yakuzas : l’île du désespoir : Min-Ho Choi

Le survival est un genre à la mode dans le manga. Prenez un adolescent renfermé mais très fort aux jeux vidéos, puis rendez le jeu réel, et voyez comme il se transforme de larve en leader. Btooom, Darwin’s game, d’une certaine façon Sword art online (mais je n’en suis vraiment pas sûr), sont autant de déclinaisons ludiques d’un modèle que nous avons découvert en France avec Battle Royale.

Si le principe s’est peu à peu émoussé, Ladyboy vs Yakuzas lui redonne de sa vigueur en allant au plus abject. Petite frappe minable coupable d’avoir couché avec la femme ET la fille de son boss, Kozo va recevoir une punition formidable : il se réveille opéré en femme sur une île déserte peuplée de criminels sexuels qui ne pourront être évacués de l’île que quand ils l’auront violée. Le sujet est donc atroce et Min-Ho Choi n’y va pas avec le dos de la cuillère : à la laideur morale s’ajoute la laideur physique, avec un character design très étiré et un festival de tronches de cake comme on en n’avait pas vu depuis les meilleurs volumes de Great teacher Onizuka.

Toutefois derrière la vraie violence à tous les niveaux d’un titre à ne pas mettre entre toutes les mains, se cache le récit triste de paumés sexuels japonais. Min-Ho Choi a écrit de nombreux récits pornographiques, a fréquenté de nombreux bordels, et y a appris la misère sexuelle et la frustration dont on ne parle pas. De sorte que derrière un survival très efficace se cache la substantifique moelle du récit très humain de personnages monstrueux.

8 - Comment faire fortune en juin 40 – Laurent Astier (dessin), Xavier Dorison et Fabien Nury (scénaristes)

Librement adapté du roman de Pierre Siniac Sous l’aile noire des rapaces , Comment faire fortune en juin 40 est au départ le scénario d’un film qui ne verra jamais le jour. Clovis Cornillac y aurait été formidable, tout autant que dans les Brigades du tigre écrits par le même duo dynamique.

Récit de braquage d’un fourgon rempli d’or jeté sur les routes de la débâcle de 1940, cette bande dessinée tente de retrouver le plaisir des films d’action populaires d’Henri Verneuil avec des personnages typés comme on les aime : le mafieux corse, l’experte en explosif qui cherche à s’émanciper, le mécanicien allemand résistant antinazi, et bien sûr le boxeur payé pour perdre qui aimerait, une fois dans sa vie, gagner enfin.

La grande qualité de Comment faire fortune en juin 1940 est son efficacité : l’action démarre vite et ne s’arrête jamais, les morceaux de bravoure s’enchaînant sans temps mort. Ce qui était trop cher pour le cinéma ne l’est pas en BD, où les explosions ne coûtent que la sueur du dessinateur.

Bien écrite, bien rythmée, dessinée de manière solide, Comment faire fortune en Juin 1940 est une bonne surprise qui a le bon sens d’être complète en un volume.

9 - Undertaker 1 et 2 – Ralph Meyer (dessin), Xavier Dorison (scénario)

Pour être honnête je n’ai lu pour l’instant que le premier volume de cette série, ce qui explique mon enthousiasme réel mais cependant limité. Le succès immédiat de cette bande dessinée est assez logique : le dessin est classique mais très beau, le scénario sans innovation particulière mais bien ficelé (cela semble être la marque de Xavier Dorison) et le personnage principal est très charismatique. Sorti dans les années 70, Undertaker aurait été une excellente base pour un film avec Franco Nero.

10 - Le divin – Asaf et Tomer Hanuka (dessin), Boaz Lavie (scénario)

On connaît l’histoire : un héros spécialiste des explosifs accepte une mission de mercenaire soit disant sans danger contre une grosse somme d’argent car sa femme doit bientôt accoucher et se retrouve plongé au cœur d’un conflit qui le dépasse complètement. Si le scénario du Divin n’est pas particulièrement original, la bande dessinée marque pour plusieurs raisons :

1 – le dessin très coloré des frères Hanuka, qui a beaucoup de personnalité

2 – les personnage des enfants chef de guerre doués de pouvoir psychiques, dont le développement est un peu décevant mais qui sont très charismatiques

3 – l’histoire implique des statues du temple qui détruisent tout sur leur passage comme dans Les hommes d’une autre planète . Pour l’anecdote, j’ai demandé aux dessinateurs si ce film les avait influencé, et la réponse fut négative.

Ce qui me reste à lire

Pour conclure, voici la liste des bandes dessinées d’action que je n’ai pas eu le temps ou l’occasion de lire, et qui pourtant semblent intéressantes et pourraient bouleverser ce classement. Cette liste contient peu de bandes dessinées de super héros classiques pour une simple raison : trop cher et trop compliqué à suivre. Urban comics et Panini semblent avoir compris le tourment de leur lecteur et font des efforts sur la présentation et sur le regroupement en intégrale des différents événements. Toutefois, comment faire quand le fonctionnement même des comics américains est de se diffuser sur les titres environnant, parfois pour des détails, parfois pour des événements véritablement importants ?

Il y a de même étonnamment peu de mangas dans cette liste : est-ce parce que j’ai lu ce qui m’intéressait vraiment ou est-ce parce que je n’ai pas réussi à identifier les nouveaux titres forts parmi le flot de nouvelles séries qui arrivent continuellement ? Il faudrait y jeter un deuxième œil.

Saga – Fiona Staples, Brian K. Vaughan

Le roi des ribauds – Vincent Brugeas, Ronan Toulhoat

The grocery : before the grocery– Guillaume Singelin (dessinateur), Aurélien Ducoudray (scénariste)

Food wars – Shun Saeki (dessin) Yuto Tsukuda (pas vraiment un manga avec des gens qui se tapent dessus, mais très shonen quand même)

Batwoman tome 4 – collectif mais surtout J.H. Williams III

I am a hero (vol. 13 et suivant, j’en suis au 10) – Kengo Hanazawa

Le château des étoiles vol. 2 – Alex Alice

Sex criminals – Chip Zdarsky (dessin), Matt Fraction (scénario)

L’ascension d’Aurora West – David Rubin (dessinateur), Paul Pope, JT Petty (scénaristes)

Jabberwocky et Area 51 – Masato Hisa

Alice au pays des singes 3 – Keramidas, Tebo

Tyler Cross 2 – Brüno (dessinateur), Fabien Nury

Les nuits de Saturne – Pierre-Henry Gomont (qui est peut-être plus une bande dessinée de gens qui parlent)

Tungstène – Marcello Quintanilha

Mutafukaz – Run

Hawkeye 4 – David Aja, Matt Fraction

Deadly class – Reagan Youth

Méta-Baron : Wilhelm-100 le techno amiral : Jerry Frissen, Alejandro Jodorowsky & Valentin Sécher

La grande Odalisque – Rupert & Mulot + Vivès

Lost Sahara : Alan Heller

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